par Chantal Zumwald
Abymes / texte et mise en scène d’Audrey Cavelius / du 19 au 24 mai 2015 / Théâtre Arsenic / plus d’infos
Avec Abymes, NoNameCompany offre un diptyque composé de « Living Gallery » et de « La poétique de l’autre », deux spectacles complémentaires présentés sur deux scènes différentes. Ces deux tableaux riches et fantasques flirtent avec les motifs de l’illusion et de la désillusion, de la solitude et de la mort. L’héroïne est un soi au destin à facettes qui joue à : « Je est un autre, l’autre c’est moi ».
Une petite salle baignée de lumière, occupée par trois rangées de transats rouges, sagement alignés. Un accueil chaleureux et personnel d’Audrey Cavelius, réalisatrice et interprète, ravit les spectateurs. Sur la droite du parterre, un petit îlot de joncs et de roseaux où repose le fauteuil de notre hôtesse. Sur la gauche, Christophe Gonet et ses instruments, dont il se servira en live dans ses propres compositions.
En face, sur le grand écran, une petite femme en robe rouge se met à danser, rejointe par quatre joueurs de tuba géant dont le pantalon peine à tenir; deux danseuses affichent leurs fesses aux spectateurs hilares. Une femme encore jeune, seule, rentre chez elle de nuit ; des bruits étranges, un chat ; …la douche a changé de couleur ! Quelle aurait pu être la vie de cette femme, si… ? Six tableaux, accompagnés de musique jouée en direct sur fond sonore, présentent des destins possibles, aussi tristes qu’inattendus, dont quatre sont dominés par la solitude. Dans le meilleur des cas, la dernière phase de vie est partagée avec un compagnon et Madame travaille. Dans les pires, c’est la rue qui attend la protagoniste, mais elle pourrait également vivre seule, dans une maison mono-pièce et froide du Val d’Aoste et danser tristement au son de son gramophone, en pleine nature, avec son col renard, ou encore, être cette vieille qu’un jeune homme vient chercher au home pour une soirée arrosée, ou celle qui, malgré sa fortune, est rattrapée par un mystérieux flacon, ou même encore, cette autre, dynamique, ancienne pionnière nostalgique de l’aviation. Madame Audrey traverse la scène et sort, affublée de sa perruque si bien tressée durant la projection, son masque de vieille femme sur le visage.
Pause et place au second volet du diptyque : un gazouillis léger d’oiseaux, une scène bordée de cinq caisses de fleurs multicolores et variées, un grand caillou, un transat ; le régisseur sur le côté. Violente lumière blanche éblouissante : une vieille dame, vêtue d’une robe d’été légère à motifs fleuris, pénètre le halo aveuglant, un panier contenant fleurs, terre et eau sous le bras. Elle transplante, arrose, soigne. Une voisine large et imposante arrive. Audrey Cavelius et Claire Deutsch seront aussi, sous le masque des vieilles dames, cow-boy, tueurs, cibles, hommes, femmes, ombres… : vies par procuration, peuplées d’angoisse, de mort de solitude et de rêves impossibles, aux princes charmants absents.
Un spectacle noir, mais qui ouvre les yeux sur la vieillesse des femmes seules et sur la nécessité de créer un futur vivant et joyeux, en développant peut-être un imaginaire positif.