par Laura Weber
Farniente / mise en scène de Sandra Gaudin / du 5 au 10 mai 2015 / CPO / plus d’infos / en tournée jusqu’au 14 juin 2015
Pourquoi part-on en vacances, finalement ? Sandra Gaudin engage, avec la compagnie vaudoise Un air de rien, un examen approfondi sur les congés payés. Derrière le repos promis par chaque départ en vacances se cachent des réalités économiques et sociales moins excitantes.
Lors de l’entrée en salle, les spectateurs se retrouvent face à un vacancier en tenue décontractée, à l’ombre d’un auvent. Plus loin, le musicien en marcel parfait les derniers accords de ses instruments. Dès les premiers instants, Farniente se donne apparemment comme une ode au temps libre et semble promettre un voyage délassant. Bercé par les interventions ponctuelles d’Arthur Besson à la guitare et à la clarinette basse, le temps s’écoule lentement, agréablement, en compagnie des cinq personnages. Le ton est léger et la pièce aborde avec humour les réalités triviales des vacances. Les plages couvertes de touristes et de déchets, la sensation délicieuse du soleil sur la peau, les coups de soleil, le beauf un peu trop collant, le sable collé entre les orteils…
Mais l’orientation de la pièce bifurque progressivement pour ne traiter plus que du monde du travail. Les personnages abandonnent leur tenue estivale pour porter des habits d’ouvriers du milieu du XXe siècle. Sandra Gaudin dénonce les engrenages pervers et aliénants qu’entretiennent les entreprises avec le congé payé. Farniente questionne notre rapport au temps et montre le conditionnement de l’individu par la société. Les vacances si reposantes, promises au début du premier acte, dévoilent leurs liens inextricables avec le monde du travail au sein duquel les établissements programment notre emploi du temps jusque dans nos divertissements. Pire encore, les vacances deviennent un secteur lucratif pour les agences qui vendent des séjours formatés.
Afin de mener à bien cette investigation artistique qui se propose d’étudier le développement socio-culturel du congé payé, la metteuse en scène mêle le théâtre au travail d’archives. Des écrans sont répartis comme les cases d’un damier sur les trois parois de la scène à l’aide de cordes tirées et entremêlées. Le jeu des acteurs est ainsi accompagné de documents audio-visuels de la RTS et c’est grâce à cette interaction entre les personnages et les archives que la pièce se forme. Les vidéos commencent d’abord seules puis ces témoignages d’anciens vacanciers sont rejoués pour prendre une nouvelle signification. Au premier acte, les personnages se présentent eux-même comme des acteurs, introduisant une forme de disponibilité aux diverses situations qui se présenteront. De cette sorte, ces archives datées et parfois à l’allure désuète prennent, ainsi insérées dans la pièce, une nouvelle profondeur et se transforment en terreau réflexif.
Si la pièce a pour vocation de sensibiliser le spectateur à l’envahissement du conformisme dans son propre temps libre, Farniente ne trahit pas son titre : la compagnie Un air de rien aborde cette thématique avec une douce oisiveté qui assure au spectateur un divertissement intelligent et amusant.