par Jonas Guyot
Pas grand-chose plutôt que rien / texte et mise en scène Joël Maillard / du 28 avril au 3 mai 2015 / Arsenic / plus d’infos / en tournée jusqu’au 17 mai 2015
Après Rien voir et Ne plus rien dire, Joël Maillard explore une nouvelle fois l’univers du Rien. En s’appropriant les codes de la publicité et le vote comme principe de la démocratie, le metteur en scène interroge l’impact que ces choix quotidiens peuvent avoir sur le monde.
En entrant dans la salle de théâtre, le spectateur comprend que Pas grand-chose plutôt que rien ne sera pas un spectacle dominé par la séparation scène/salle. En effet, ces deux espaces ont été remplacés par une très longue table autour de laquelle deux rangées de chaises se font face. Chaque place est équipée d’un boîtier composé de deux boutons. Ce spectacle sera interactif ou ne sera pas.
Une voix d’ordinateur nous apprend que nous sommes dans le futur puisque la société du XXIe siècle semble avoir disparu depuis longtemps. La machine livre alors une série d’images et de vidéos qui témoignent de nos scènes de vie comme une journée au zoo. Les commentaires de la voix off relèvent un quotidien absurde composé principalement de travaux sans intérêt et de quelques loisirs. Ce décalage temporel instaure d’emblée chez le spectateur un regard critique et ironique sur notre société contemporaine.
Mais plus que les commentaires de la voix off, ce sont les choix que chacun d’entre nous est amené à faire qui font réfléchir. En effet, des écrans présentent des séries de questions auxquelles les spectateurs sont invités à répondre en choisissant parmi deux solutions. Le spectacle évolue alors en fonction du choix de la majorité. Cette interactivité du spectateur le place dans la position du metteur en scène puisque, par ses décisions, il construit peu à peu le spectacle. Avec beaucoup d’humour la machine se plaît parfois à poser des questions embarrassantes comme lorsqu’elle demande au spectateur de dire ce qu’il pense de la personne en face de lui.
Les séries de questions sont entrecoupées de slogans publicitaires du type ça sera mieux après et sont accompagnées de jingles bien connu du monde de la publicité. Pas grand-chose plutôt que rien met en évidence les mécanismes puissants de la publicité qui, en nous faisant croire que nous avons le choix, impose toujours par l’image et le son sa force de persuasion. La solution de l’abstention est d’ailleurs extrêmement marginalisée dans le choix des spectateurs, preuve que l’individu a appris qu’il doit avoir un avis sur tout et surtout qu’il doit l’exprimer. La machine met toutefois en évidence que l’avis ou la personnalité des spectateurs est, à l’image des tests « psychologiques » dans les magazines, formaté par le choix extrêmement limité des réponses possibles.
Avec un spectacle à la forme étonnante, Joël Maillard place le spectateur dans le rôle de l’acteur, prouvant ainsi qu’une succession de petites actions peut avoir un impact beaucoup plus important qu’on ne l’imagine.