Correspondances

par Nicolas Joray

Les arbres pleurent-ils aussi? / par la Cie Fabienne Berger / du 25 avril au 2 mai 2015 / Equilibre-Nuithonie / plus d’infos

© Mario del Curto
© Mario del Curto

On peine d’abord à distinguer les éléments qui se balancent, à moins d’un mètre du plateau : il s’agit des têtes des danseuses suspendues par les pieds. Ces chauves-souris humaines tiennent dans leurs mains ce qui semble être des portables, qui les éclairent. À Nuithonie se mêlent et s’emmêlent nature et industrie.

Le son des grillons côtoie les bruissements de papier. Le bruit des mouches, celui de basses profondes. Et les cris des corbeaux, le « tac tac » d’un roulement de train. Les ambiances sonores du spectacle créées par Malena Sardi font brillamment écho aux revendications artistiques du projet : donner à voir « une œuvre qui questionne notre rapport au vivant, au monde organique visible ou invisible, dans notre quotidien hautement technologique et connecté. » Il ne s’agit cependant pas uniquement d’une superposition des bruits d’hélicoptères et autres sons produits par des humains aux mélodies du vent et murmures semblables de la nature. Souvent, on peine à distinguer la frontière entre ces deux univers, à déterminer la provenance de ces atmosphères auditives. Les spectateurs sont tantôt amenés à chercher en eux à quelles réalités correspondent les sons, tantôt simplement bousculés lorsque les registres sont floutés.

Parfois, les corps des quatre danseuses résonnent, semble-t-il, aux invitations de la bande-son. Ainsi, peu après le fracas d’un arbre qui tombe en grinçant, une danseuse se maintient en équilibre sur la tête et les avant-bras, droite tel un arbre. Plus fréquemment, le lien entre les atmosphères sonores et les corps est moins aisé à établir : ces derniers évoluent sur d’autres modes que celui de la transcription réaliste. D’abord, mode de la saccade ou de la fluidité. Mode de la lenteur ou de la rapidité. Mais aussi mode de parcours du plateau entre cour et jardin ou entre proche et lointain. Mode de la solitude ou, plus rarement, de la rencontre. Ceux-ci s’articulent et se conjuguent selon de nombreuses combinaisons chorégraphiées par Fabienne Berger : variations rythmées et rythme varié. La cadence est également travaillée par la proposition scénographique (ventilateurs et autres effets percutants) de Sven Kreter qui réserve quelques surprises : si les spectateurs des premiers rangs peuvent se munir des couvertures mises à disposition pour lutter contre les courants, les autres s’armeront de placidité.

Les danseuses sont les piliers, et les spectateurs les passants de cette création toute baudelairienne de Fabienne Berger.