C’est peut-être

C’est peut-être

Conception, écriture et jeu Geneviève Guhl et Sophie Solo /du 16 au 26 avril 2015 / Petithéâtre de Sion / Critiques par Joanna Bravo Carmona et Deborah Strebel .


16 avril 2015

Chefs d’œuvres oubliés

© Michael Abbet

L’oiseau blanc qui vole dans le ciel tombe parfois dans l’oubli et cède le pas aux bêtes qui laissent leur trace sur le sol : c’est par cette image que Geneviève Guhl (Cie L’ascenseur à poissons) et Sophie Solo (Cie In Verso) témoignent de la disparition d’œuvres sublimes, emportées par le temps, tombées dans l’oubli. Accompagnées par la musicienne Géraldine Schenkel, les deux comédiennes reprennent, avec une magnifique complicité, des textes et des chansons d’auteurs et de chansonniers de tous horizons.

Deux femmes, longues robes blanches, veston noir et souliers noirs cirés, déambulent en chantant. La poésie les habite, la mélancolie, aussi. À qui appartenaient-ils, ces vêtements ? Qu’est-il arrivé à leurs propriétaires? Enfin surgissent des questions existentielles : assises autour d’une table, elles refont le monde, nous racontent leur histoire, celle de chefs d’œuvres perdus, oubliés, ou tout simplement mal compris. C’est peut-être raconte avec tendresse la postérité de ces mots et de ces paroles qui se sont envolés avec le temps. Mais il y a parfois quelque chose de magique dans le fait de savoir que plus jamais on n’entendra une chanson, ses paroles, sa musique ; il y a parfois quelque chose de beau dans l’idée de savoir ne pas savoir, savoir ne plus savoir.

Aujourd’hui, il n’est plus question que de production, de rendement, de course contre la montre. Face à ces préoccupations bien matérialistes, les comédiennes Geneviève Guhl, Sophie Solo, accompagnées par la musicienne Géraldine Schenkel, nous emmènent dans un voyage imaginaire et intemporel, tout en chants, en musique. Elles nous invitent à explorer le vide, les trous, le silence, le rapport au temps, l’abandon, l’anonymat, la solitude, l’oubli, toutes ces peurs irrationnelles qui nous empêchent d’accéder à l’essentiel. Elles redonnent vie et rendent hommage à tous les chefs d’œuvres que l’on a enterrés, en convoquant tour à tour des textes de Fernando Pessoa, Annie Le Brun, Albaro de Campo, Ricardo Reis ; en s’inspirant d’auteurs comme Samuel Beckett, Virginia Woolf, Albert Camus; en réinterprétant des chansons de Jacques Brel, Léo Ferré, Barbara ; le tout agrémenté de textes de leur propre cru. À travers ce mouvement de retour dans le passé, nous nous retrouvons face à nous-mêmes, face à ce qu’il y a de plus essentiel : l’existence.

« Si t’étais dans la merde, qu’est-ce que tu préfèrerais : être à poil(s) ou à plumes ? » Loin d’être tragique, cette mise en scène, à laquelle ont également contribué Claire Haenni et Magali Fouchault, mêle humour et mélancolie, textes et chansons, le tout agrémenté de beaucoup de musicalité, de poésie et de tendresse. La complicité entre les deux comédiennes offre un spectacle aussi touchant que leurs compositions personnelles, à découvrir jusqu’au 26 avril 2015 au Petithéâtre à Sion.

16 avril 2015


16 avril 2015

Trésors négligés

Après avoir collaboré sur trois spectacles, Geneviève Guhl et Sophie Solo reviennent présenter à Sion une pièce autour des œuvres oubliées, dans un cadre intimiste à l’image du café-théâtre. Poésie, sincérité et nostalgie sont au rendez-vous.

© Michael Abbet

Le spectacle s’ouvre sur quelques douces notes de musique, échappées d’une guitare sèche. Personne n’est sur scène mais le petit espace est déjà bien rempli : une table et des chaises sont placées au centre ; à jardin deux pianos sont accolés aux murs, dans l’angle, enfin, à cour, une paroi vitrée à proximité d’un étroit et fin escalier en colimaçon. C’est du haut de ces marches que descendent tour à tour, en chantant, Sophie Solo et Geneviève Guhl.

Actrices mais aussi conceptrices de la pièce, elles récitent ensemble leurs propres créations ainsi que des textes empruntés à Fernando Pessoa ou Annie le Brun, et des titres repris de Jacques Brel, Véronique Pestel ou encore Barbara. Très vite, une ambiance de cabaret s’installe, sans doute grâce à l’alternance de chants et de jeu. Atmosphère familière à Sophie Solo, d’ailleurs, car c’est au sein de cet univers qu’elle est née sur le plan artistique, embauchée jadis par Madame Loulou, patronne du célèbre « Cabaret d’Avant-guerre » à Genève. A cela s’ajoute un léger climat de cirque suggéré par la musique jouée, en live, par Géraldine Schenkel, mêlant piano, xylophone et bandonéon. En outre, les deux comédiennes dégagent quelque chose de clownesque. Leurs costumes trop longs, composés d’une longue chemise de nuit blanche, recouverte d’un veston noir, compliquent leur déplacement. Elles semblent partager la naïveté et la sincérité de l’enfance propres aux clowns.

Objet scénique hybride, ce projet a choisi comme point de départ les œuvres oubliées. Celles qui n’ont pas été enregistrées, qui ont été jouées une seule fois ou qui n’ont pas connu de grand succès. Non pas développement narratif autour d’un thème, le spectacle se propose plutôt, comme cela est suggéré par le titre, de susciter toutes sortes d’évocations. Sophie Solo et Geneviève Guhl se connaissent depuis de longues années : elles ont d’abord beaucoup lu et sélectionné des extraits pour les adapter à la scène, le tout très naturellement. En résulte, un spectacle joyeux mais aussi parfois mélancolique, combinant d’intenses moments de face à face et d’autres instants poétiques à l’exemple d’une sublime scène dans laquelle le duo s’installe autour d’une table et fait délicatement fonctionner une boîte à musique branchée sur un mini ampli « Marshall ».

Merveilleuse occasion de découvrir ou de réécouter des fragments issus de la littérature ou de la variété française, C’est peut-être, plus qu’un divertissement, offre un très agréable moment de partage. Il est vivement recommandé de descendre les marches du Petithéâtre de Sion pour déterrer ce foisonnant trésor d’œuvres oubliées.

16 avril 2015


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