Living-room dancers
Cie Nicole Seiler / Théâtre Les Halles de Sierre / du 1 au 3 mai 2014 / Critiques par Sabrina Roh et Jonas Guyot.
1er mai 2014
Par Sabrina Roh
Intrusion permise

La chorégraphe Nicole Seiler propose une incursion dans la ville de Sierre et dans l’intimité de ses habitants. Dans Living-room dancers, le spectateur, devenu voyeur, s’engage dans une chasse au trésor sur le thème de la danse. D’appartement en appartement, il scrute, depuis l’extérieur, des danseurs amateurs.
C’est à la recherche de néons rouges que se lancent les spectateurs du Théâtre Les Halles. Dans une lumière de fin de soirée, ils partent à la recherche de sept appartements investis par des danseurs amateurs et passionnés : de la danse orientale à la country, tout en passant par le hip-hop, les protagonistes du projet offrent un petit bout de leur passion et de leur intimité.
Nicole Seiler, chorégraphe du projet Living-room dancers est née à Zürich en 1970. Elle se forme en danse et en théâtre à la Scuola Teatro Dimitri à Verscio, à la Vlaamse Dansacademie à Bruges et à Rudra Béjart à Lausanne. Interprète, elle collabore à un certain nombre de créations de la Cie Buissonnière et de la Cie Philippe Saire notamment. En 2002, elle crée sa propre compagnie.
Avec Living-room dancers, projet qui voit le jour en décembre 2008, Nicole Seiler explore l’intrusion dans l’espace privé. La chorégraphe travaille régulièrement sur l’alliage de la danse et de la vidéo, ce qui donne parfois naissance à des spectacles de danse multimédia. Si dans la création proposée en ce moment au Théâtre Les Halles à Sierre, danse et vidéo représentent deux parties distinctes, elles se complètent toutefois pour offrir aux spectateurs un portrait complet des protagonistes.
La première partie se déroule hors les murs. Equipé d’une carte de la ville, de jumelles et d’un lecteur MP3, le spectateur s’arrête de maison en maison. Dans l’impossibilité de pénétrer dans les bâtiments, il lui faut trouver un endroit stratégique qui permette d’apercevoir au mieux les danseurs. En étudiant l’espace et en s’amusant à zoomer sur un visage ou sur une main posée sur une taille, le spectateur se construit son propre spectacle. Certains auront sans doute essayé, à l’aide du MP3, d’écouter de la pop américaine tout en regardant un tango. L’œil, en général fixé sur la performance, se surprend par ailleurs à dévier parfois sur le reste de la pièce, le spectacle éveillant en chacun un désir de voyeurisme. Quant aux danseurs, ils jouent le jeu à la perfection : ils ne prêtent pas attention au groupe agglutiné sous leur fenêtre et ne laissent parfois qu’entrevoir des bribes de mouvements, ce qui crée une sorte de frustration chez le spectateur-voyeur. Ce dernier se rend alors compte de son attitude intrusive.
L’intrusion du public dans la sphère privée des danseurs est en quelque sorte légitimée à l’issue du spectacle. En effet, par le biais de témoignages diffusés dans le hall du théâtre et à travers un film intitulé Living-room dancers, les différents protagonistes du projet se livrent consciemment et volontairement à la sphère publique. Tout au long de ce parcours chorégraphique, le spectateur est donc confronté à sa curiosité et les danseurs, à leur désir d’exhibition. C’est un hommage que rend Nicole Seiler à ces passionnés et le public, convaincu, en fait tout autant.
A voir jusqu’au 3 mai au Théâtre Les Halles à Sierre.
1er mai 2014
Par Sabrina Roh
1er mai 2014
Par Jonas Guyot
Quand la danse envahit le quotidien

Living-room dancers est un spectacle étonnant et inédit. Conçu comme un parcours dans la ville de Sierre, il est une ode à toutes les formes de danse. Dans ce dispositif chorégraphique inattendu, le spectateur bénéficie du privilège de façonner son propre regard sur le spectacle.
Derrière cet étonnant projet se trouve une femme : Nicole Seiler. La chorégraphe se forme à la danse et au théâtre dans plusieurs écoles prestigieuses comme la Scuola Teatro Dimitri, Rudra Béjart et la Vlaamse Dansacademie à Bruges. En tant qu’interprète, elle a travaillé sur de nombreuses créations du Teatro Malandro, de la Cie Philippe Saire ou encore avec Massimo Furlan. Ces nombreuses collaborations l’ont menée à créer sa propre compagnie en 2002. Le travail artistique de Nicole Seiler est très fortement influencé par l’image et la vidéo, ce qui a donné lieu à de nombreux spectacles de danse multimédia mais également à des vidéos et des installations chorégraphiques.
L’influence de l’image cinématographique semble aussi présente dans le spectacle Living-room dancers, mais d’une manière un peu particulière. Equipé d’un baladeur MP3, de jumelles et d’un plan de la ville de Sierre, le spectateur se lance dans l’aventure. Il y a sept appartements dans la ville, marqués par un néon rouge au-dessous de la fenêtre depuis laquelle on peut observer un ou plusieurs danseur(s). Chaque lieu correspond à un numéro indiquant les musiques que le spectateur doit sélectionner sur son MP3 pour accompagner la danse qui se déroule sous ses yeux. Le spectateur, muni des jumelles, peut, à son gré, zoomer sur la prestation ou, au contraire, se priver de l’outil afin de privilégier une vue d’ensemble. En choisissant son point de vue et en sélectionnant son plan, le spectateur se place donc dans le rôle du caméraman. Sa vision est cependant nécessairement limitée, puisque la fenêtre représente le cadre de la caméra, au-delà duquel la vision est impossible. Cet espace sans cesse dérobé à la vision, c’est au public de l’imaginer. Dans le cadre même de la fenêtre, le regard bute contre les croisillons, contre les branches d’un arbre ou encore contre la barrière d’un balcon un peu haute. Tous ces obstacles forcent le spectateur à déplacer la position de la « caméra » et à choisir ainsi son meilleur point de vue. Grâce au MP3 et aux jumelles, ce dernier dispose lui-même des éléments qui lui offrent la possibilité d’apprécier les différentes prestations. Ces objets permettent de créer son propre spectacle en assistant par exemple à un tango argentin tout en écoutant du hip-hop et, pourquoi pas, en esquissant soi-même quelques pas de danse.
Ce spectacle offre également au public la possibilité de découvrir la performance de plusieurs danseurs amateurs dans un environnement privé. On chemine ainsi de la danse orientale à la danse expressive en passant par le tango argentin, la country, le hip-hop expérimental, le ragga dancehall et la danse albanaise. L’intérêt du spectacle ne réside pas dans la complexité des chorégraphies, mais dans une mise en scène assez simple de la danse qui se révèle intime et quotidienne. L’intimité qui s’offre au regard des passants n’est toutefois pas matière au voyeurisme, le danseur étant conscient d’être sujet d’observation.
De retour au théâtre, le spectateur pourra achever son voyage en assistant à la projection d’un documentaire. Le film est constitué d’interviews de passionnés de danse provenant de toute la Suisse. Ces amateurs, de milieux professionnels et d’âges très différents, parlent, avec beaucoup d’émotion, de leur expérience de la danse et de la place qu’elle occupe dans leur vie. Ce savoureux moment de partage est à découvrir au Théâtre Les Halles jusqu’au 3 mai 2014.
1er mai 2014
Par Jonas Guyot