Wouter van der Lelij

De l’entrepreneuriat pour des clients locaux, une constante que Wouter van der Lelij (HEC 1997) maintient dans tous ses projets entrepreneuriaux.

Parlez-nous de votre société

Agenda.ch est une plateforme destinée aux indépendants tels que médecins, thérapeutes et professionnels de la beauté et du sport. Elle a pour but de gérer tout ce qui n’est pas en lien direct avec leur métier, c’est-à-dire la partie administrative : prise de rendez-vous, facturation, rappels, pour leur permettre de se focaliser sur leur activité principale.

Il existe déjà des modèles similaires, notre particularité réside dans le fait que : nous nous concentrons uniquement sur la Suisse et nous n’avons pas l’ambition de nous étendre à l’international. J’aime servir le marché local, c’est une constante dans chacun de mes projets.

Dans l’entrepreneuriat, on pousse beaucoup vers la globalisation. C’est dommage, on ne raconte que les « success stories » de boîtes internationales. Quand je discute avec certains jeunes entrepreneurs, ils démarrent souvent dans l’idée de se développer globalement avec l’objectif de vendre leur business ou « d’entrer en bourse ». Ils voient trop grand trop vite et pensent que c’est là que réside le succès. Alors que, selon moi, l’on peut faire une quantité de choses localement et qu’il est plus intéressant d’encourager l’entrepreneuriat local. Servir sa communauté, travailler sur un marché qu’on connaît, utiliser son réseau et rencontrer ses clients sans trop voyager, est tellement enrichissant d’un point de vue économique, social et écologique !

Comment tout cela a-t-il commencé ?

Il n’y a pas d’entrepreneur dans ma famille. La raison pour laquelle on se lance dans l’entrepreneuriat est propre à chaque personne. Certaines ont un besoin plus important d’indépendance que d’autres. Ce qui était mon cas. J’ai eu trois années d’expériences professionnelles dans des grandes entreprises après mes études. En travaillant pour les autres j’avais l’impression de gâcher mon énergie pour des missions dont je ne voyais pas l’utilité. À l’inverse, je peux concevoir que les motivations soient différentes chez une personne qui se sent bien dans un cadre défini avec un rôle précis. C’est pourquoi il est important de bien comprendre d’abord son propre fonctionnement et quels sont ses besoins avant de se lancer. En emploi, j’ai réalisé que j’aimais travailler avec les gens mais il me fallait la liberté de réaliser mes projets personnels à ma manière.

Les idées fusaient dans ma tête. Le jour où j’ai trouvé celle dont j’étais sûr qu’elle était bonne pour moi, je me suis lancé. C’est ainsi que mon père m’a proposé de payer le loyer de mon studio pendant quelques temps pour me permettre de la concrétiser. J’ai dû me serrer la ceinture avec les 100 francs qui me restaient pour manger chaque mois.

Vos plus précieux atouts pour vous lancer dans cette aventure ?

Outre le désir d’indépendance, la persévérance m’a aidé à surmonter les obstacles. Quand on a une idée, on avance avec quelque chose en tête. Il s’avère que – souvent – rien ne se passe comme prévu. On met alors énormément d’énergie à essayer autre chose, encore plus à échouer. Parler de réussite c’est bien, savoir qu’elle arrive rarement du premier coup, c’est mieux. Comme lorsqu’on veut apprendre à jouer au tennis.

La flexibilité est un autre atout important. J’ai monté JobUP en 6 mois. En parcourant récemment mon business plan de l’époque, j’ai réalisé à quel point le projet avait évolué. Il ne correspond plus du tout à ce que l’entreprise est devenue aujourd’hui. D’où l’importance de constamment se renouveler, s’adapter aux changements et aux besoins de notre temps.

De quoi avez-vous peur ?

Ma plus grande frayeur à l’époque était de ne pas parvenir à vivre de mon activité d’indépendant. Je me fichais d’être le meilleur ou de conquérir le monde. Ma seule obsession était de réaliser quelque chose et tenir tout seul sur mes deux pieds. Je devais me prouver à moi-même que j’en étais capable.

Aujourd’hui, c’est d’être malheureux. C’est-à-dire de ne plus aimer ce que je fais, d’être dépassé et stressé, de travailler avec des gens que je n’apprécie pas. Pour l’instant tout va bien. Je touche du bois.

Des tâches totalement saugrenues que vous avez dû effectuer

En tant que fondateur d’une entreprise, je crois qu’il est difficile de ne pas se mêler de tout et de tout vouloir contrôler ;  un appel d’un client, un email qui sort, une facture pas payée, la comptabilité, même le ménage. J’ai réalisé des milliers de tâches, sans compter mes heures, sans jamais m’arrêter, animé que j’étais par l’objectif de concrétiser mon projet. J’y ai pris beaucoup de plaisir. Quand j’ai vendu JobUp, on a engagé huit personnes pour me remplacer !

Avez-vous dû faire des sacrifices ?

J’ai dû renoncer à voyager. Il y a énormément à faire au début et on ne peut pas simplement tout planter et partir en vacances. J’ai aussi dû restreindre mes sorties au théâtre, au cinéma et au restaurant. J’arrivais tout de même à voir mes amis, mais j’avais peu de temps à leur consacrer. Quand je regarde les photos des potes durant les trois – quatre premières années de mon activité, je me rends compte de tous ces moments que je n’ai pas passés avec eux.

Aujourd’hui je suis entouré d’une équipe, donc je peux respirer. Je suis associé avec une personne responsable de l’informatique et une directrice opérationnelle qui gère les affaires courantes. Je ne dois plus renoncer à rien.

La seule chose que j’ai dû accepter est la perte de ma tranquillité d’esprit. Il m’arrive pratiquement une nuit sur deux de me réveiller à cause de soucis ou d’une idée. C’est un engagement que l’on prend avec son projet, c’est comme ça.

De quoi êtes-vous le plus fier ?

De tout ce que j’ai réalisé (OU BIEN ?!, JobUP et Agenda.ch) et d’avoir surmonté tous les échecs : la perte de grosses sommes d’argent, le fait d’avoir déçu certaines personnes, le fait de m’être planté de nombreuses fois. Tous ces projets sont cohérents avec qui je suis, et je suis fier d’avoir persévéré et d’avoir poursuivi dans ce sens.

Pour vous donner un exemple, mon projet OU BIEN ?! était un concept de pommes séchées suisses conditionnées dans un carton certifié, avec plastique biodégradable, et emballées par la Fondation Foyer Handicap. Le projet était local, bio et bien ficelé. Il manquait simplement la motivation des clients dans la grande distribution pour rendre le projet rentable et le mener à bien. Je suis tout de même fier d’avoir tenté l’aventure.

Votre recette pour rester positif quand rien ne va plus ?

Être avec mes enfants. Ils me remontent le moral, ils arrivent à relativiser les choses, ils ramènent ce qui est essentiel au premier plan. Avec les soucis on a tendance à se focaliser sur les choses pratiques qui ne fonctionnent pas plutôt que sur la raison d’être de son projet.

Votre conseil à ceux qui veulent se lancer

Osez vous « planter ». Écoutez les autres mais gardez vos idées, même si elles n’aboutissent pas comme prévues,  persévérez et maintenez le cap.

Article de Jeyanthy Geymeier, Bureau des alumni, 13 juillet 2020