Voici les plantes dont il faut se méfier

Voici les plantes dont il faut se méfier

La belladone: des fruits noirs comme des cerises

L’«Atropa belladonna», couramment appelée belladone, est sans aucun doute l’espèce qui provoque le plus grand nombre d’intoxications. Il est vrai que cette plante, qui pousse dans les clairières et au bord des forêts, a de quoi attirer les enfants. Ses baies noires et brillantes «ressemblent à de très belles cerises», souligne Kurt Hostettmann. Des fruits appétissants et dont la «saveur n’est pas désagréable», à en croire le chercheur qui avoue les avoir déjà goûtés.

Pourtant, mieux vaut s’en méfier: la plante renferme un alcaloïde toxique, l’atropine. La consommation d’une dizaine de baies peut provoquer la mort d’un enfant et il lui suffit d’en manger deux ou trois pour ressentir les premiers symptômes d’une intoxication. Cela commence par une sécheresse de la bouche et une sensation de soif intense.

L’atropine provoque aussi une dilatation de la pupille – les élégantes du XVIe siècle le savaient, elles qui utilisaient le suc du fruit pour embellir leurs yeux; c’est d’ailleurs ce qui a valu à la plante son nom de «Bella donna» (belle femme en italien). En outre, cette substance toxique peut induire d’autres troubles comme une élévation de la température, une accélération du rythme cardiaque, la congestion du visage, des hallucinations visuelles et auditives, des délires ou encore une somnolence pouvant aller jusqu’au coma.

Colchique d’automne: à ne pas confondre avec l’ail des ours

Son nom est trompeur: si ce colchique fleurit en automne, ses feuilles apparaissent au printemps; au moment même où les promeneurs vont cueillir de l’ail des ours très apprécié pour accommoder des salades ou certains plats. De là naissent de dangereuses confusions car les feuilles des deux plantes se ressemblent.

Certes, «l’ail des ours a une forte odeur de ciboulette, alors que le colchique est inodore», précise Kurt Hostettmann. Mais cela ne suffit pas à éviter les erreurs. «Lorsque les mains sont imprégnées d’ail des ours, il est possible de ne pas se rendre compte que l’on récolte du colchique d’automne, étant donné que les deux plantes peuvent pousser les unes à côté des autres.»

Méfiance donc, car le colchique renferme une substance toxique, la colchicine. En 2004, plusieurs clients d’un restaurant du canton de Neuchâtel en ont fait l’amère expérience: ils ont été pris de vomissements et de diarrhées après avoir mangé un poisson à la sauce d’ail des ours.

En fait, comme l’ont révélé des analyses pratiquées par le laboratoire de Kurt Hostettmann, la sauce en question contenait de la colchicine. Malgré tout, ces gourmets s’en sont remis. Ils ont eu de la chance: l’ingestion de 0,5 milligramme par kilogramme de cette substance entraîne des troubles digestifs, la consommation de plus de 0,8 mg/kg provoque une défaillance cardiaque et 10 mg représente une dose létale.

La trompette des anges: un dangereux aphrodisiaque

Nommée «trompette des anges» à cause de la forme allongée de ses fleurs blanchâtres, la «Datura suaveolens» originaire du Mexique est une plante d’ornement très prisée en Suisse. Les enfants peuvent être tentés de goûter à ses belles fleurs, mais ils ne sont pas les seuls à être menacés par la toxicité du végétal. Des recettes circulent en effet sur Internet, qui incitent les jeunes et les adultes à faire macérer la trompette des anges dans du vin pour préparer des boissons aphrodisiaques et hallucinogènes.

Cela a conduit, en 1998, à 67 cas d’intoxications, dont un mortel : cette année-là, «une jeune femme de 20 ans est décédée à Zurich, rappelle Kurt Hostettmann, après avoir consommé un breuvage magique à base de trompette des anges».

Appartenant à la famille des Solanacées, comme la belladone, les «Datura» renferment, elles aussi, de l’atropine, ainsi qu’une autre substance toxique, la scopolamine; leur ingestion provoque donc les mêmes méfaits sur l’organisme que ceux dus à l’«Atropa belladona».

La berce du Caucase: sous le soleil, elle attaque la peau

Il ne faut pas se fier aux apparences. Cette ombellifère «imposante et magnifique » qui peut atteindre 2 à 3 mètres de haut est aussi, selon Kurt Hostettmann, «la plante qui pose le plus de problèmes en été». Cette plante sauvage qui prolifère dans les Alpes et les Préalpes «est à l’origine de 20 à 30% des consultations des dermatologues valaisans pendant la belle saison».

Le danger provient des furanocoumarines contenues dans la berce du Caucase. Ces substances «se fixent aux protéines de la peau sous l’effet de la lumière», précise le professeur honoraire de l’UNIL, et provoquent ce que l’on nomme des phytophotodermatites.

Dans les cinq minutes qui suivent le contact avec la plante fraîche, la peau se couvre de rougeurs et parfois même de cloques qui deviennent très douloureuses après une exposition au soleil. «Il arrive que, prenant un bain de soleil couché au milieu d’un pré, une personne se relève avec l’empreinte d’une feuille de berce sur la peau!» Quant aux enfants, ils sont attirés par la tige creuse de la plante qui se prête à la confection de sarbacanes; «par temps ensoleillé, les dégâts sur les lèvres sont terribles».

Lorsqu’on a touché la feuille ou la tige de l’ombellifère, «on peut atténuer la douleur avec des compresses froides et avec des dérivés salicylés», précise le spécialiste de phytochimie. Mais quand des vésicules apparaissent sur la peau, «il vaut mieux consulter un dermatologue ».

Le dieffenbachia: la tige qui rend muet

Avec ses grandes feuilles vertes tachetées de jaune, le dieffenbachia ressemble au philodendron – il appartient d’ailleurs à la même famille botanique. Comme lui, il est très apprécié dans la décoration de halls d’entrée d’immeubles, de bureaux ou d’appartements.

Mais il n’est pas aussi inoffensif qu’il y paraît, surtout pour les très jeunes enfants qui seraient tentés de mâcher ou manger ses feuilles. Car celles-ci contiennent des cristaux d’oxalate de calcium qui forment de petites aiguilles; de quoi provoquer, dans la bouche et l’oesophage, des lésions qui facilitent la pénétration des toxines végétales dans l’organisme.

Cela se traduit d’abord par une inflammation de la bouche et du pharynx qui empêche de parler. Les colons anglais installés aux Caraïbes, d’où la plante est originaire, l’avaient bien compris. Ils avaient nommé le dieffenbachia «dumb cane» – «la tige qui rend muet» – et «ils la mettaient dans la bouche des esclaves rebelles pour les rendre dociles», raconte Kurt Hostettmann.

Les toxines contenues dans la plante provoquent aussi une sensation de brûlure, une hypersalivation, un gonflement de la langue et une sensation d’étouffement. Pour l’enfant atteint de ces symptômes, et pour ses parents, il y a de quoi paniquer. «C’est une source importante d’appels aux centres antipoison, mais en fait ce n’est pas grave», précise le professeur. Son conseil: «Il faut rincer la bouche et les autres parties atteintes avec de l’eau. Si nécessaire, le médecin préconisera l’administration d’analgésiques et de sédatifs.»

Elisabeth Gordon

On pourra découvrir toutes ces plantes toxiques (et bien d’autres) au Jardin des plantes médicinales de Leysin créé par Kurt Hostettmann, dans le cadre de la Fondation Gentiana.

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