Pour en finir avec la mort

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Un ouvrage collectif, qui rassemble des textes de nombreux chercheurs et personnalités, traite du besoin de l’être humain d’atteindre l’immortalité, que ce soit grâce à la technologie, à l’art ou à la religion.

Pourquoi devons-nous vaincre le vieillissement? Parce qu’il tue des gens!» C’est ainsi qu’Aubrey de Grey, chercheur à l’Université de Cambridge, entamait sa conférence lors de l’évènement TEDGlobal à Oxford, en juillet 2005. Il a répété régulièrement dans les médias que la personne qui vivrait 1000 ans était peut-être déjà née.

Même si cette idée prête à sourire, elle est prise au sérieux dans certains milieux fortunés, généralement anglo-saxons et libertariens, qui ne demandent qu’à prolonger leur existence à coups de thérapies expérimentales et de dollars. Comme l’immortalité n’est pas que l’affaire des transhumanistes, mais touche tout le monde d’une manière ou d’une autre, la lecture d’un récent ouvrage collectif paru récemment chez Favre paraît utile.

Dirigé notamment par Jean-Daniel Tissot, médecin-chef du Service régional vaudois de transfusion sanguine et professeur à l’UNIL, L’immortalité, un sujet d’avenir se compose d’une succession d’articles rédigés par des chercheurs et des personnalités de tous horizons. Tour à tour scientifiques, littéraires ou très personnels, les textes emmènent le lecteur du côté de la génétique, du droit, des fourmis, de l’Antiquité, de la religion, de l’histoire de l’art, des mathématiques ou encore de la psychiatrie. Dès lors, il est inutile d’en attendre une réponse à la question: «Où dois-je m’inscrire pour devenir immortel?». Par contre, l’ouvrage permet de dégager une vue d’ensemble sur un sujet qui tourmente les humains depuis l’époque des cavernes.

Par exemple, certains animaux sont capables de réparer leur propre corps. D’autres vivent des siècles. Mais une forme d’immortalité peut être atteinte par des espèces entières. Elisabeth Gordon, journaliste et collaboratrice d’Allez savoir!, ainsi que Laurent Keller, directeur du Département d’écologie et évolution de l’UNIL, consacrent un chapitre aux fourmis. Elles doivent leur succès à la qualité de leur organisation sociale. Les «invasives» ont même réussi à former des «supercolonies», sortes d’archipels de fourmilières qui vivent en bonne entente. Un phénomène sans équivalent dans le règne animal, comme l’écrivent les auteurs, pour qui il est inutile de «chercher à éradiquer ces insectes. Toutes les tentatives faites en ce sens, notamment pour barrer la route aux espèces nuisibles, se sont soldées par des échecs. Présentes sur terre depuis plus de 100 millions d’années, les fourmis prolifèrent et poursuivent inexorablement leur expansion. Ce qui confère aux formicidés une pérennité proche de l’immortalité.»

Il est possible de plonger encore plus loin dans l’infiniment petit, grâce à un autre chapitre. Médecins et chercheurs UNIL-CHUV, Sabine Waeber et Gérard Waeber se demandent si l’immortalité ne serait pas nichée dans nos gènes. Se cacherait-elle dans la transmission d’informations, d’une génération à la suivante, grâce à l’ADN contenu dans le noyau de nos cellules? Le problème, c’est que ce dernier mute et se réarrange rapidement. Il ne peut donc pas servir de support stable. Seules les cellules tumorales se multiplient à l’infini tant qu’on les maintient in vitro, c’est-à-dire tant qu’on les maintient dans une forme de pérennité artificielle «pathologique». Il ne faut donc pas espérer, dans la biologie, davantage que la transmission partielle d’un héritage. Les deux auteurs renvoient à des champs plus vastes, «comme celui de l’esprit ou de l’âme ou vers d’autres cieux… à la recherche de l’éternité plutôt que de l’immortalité».

L’immortalité, un sujet d’avenir. Dirigé par Jean-Daniel Tissot, Olivier Garraud, Jean-Jacques Lefrère et Philippe Schneider. Favre (2014), 436 p.

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