Avec Carole Clair l’enseignement de la médecine prend en compte les différences biologiques et socio-culturelles dans une perspective de genre. Rencontre.
Spécialiste en médecine interne générale, Carole Clair n’est pas une idéologue mais une femme pragmatique formée à la PMU, entité intégrée au sein d’Unisanté. Elle y dirige, avec Blaise Genton, le Département de Formation Recherche et Innovation. Née en 1976, attachée à l’UNIL et au canton, Carole Clair affiche aussi son goût pour les voyages, elle qui séjourna à Vienne en Erasmus, et effectua une recherche financée à Boston par un early post-doc du FNS, avec le soutien du professeur Jacques Cornuz.
«Justine, ma deuxième fille, est née durant ce séjour», raconte-t-elle. Son mari médecin fait partie du voyage, ainsi que leur première fille, Céleste. Après avoir décrypté dans une méta-analyse les liens entre tabagisme et diabète, en postulant un effet de certains composants du tabac sur les cellules du pancréas et donc le déclenchement du diabète, elle travaille à Boston avec une cohorte de patients américains ciblée sur les maladies cardio-vasculaires. «Nous avons confirmé que l’arrêt de la fumée diminue de moitié le développement de ces maladies et vérifié que la prise de poids ne change rien à ce bénéfice», décrit-elle. De retour en Suisse avec un Master en épidémiologie effectué en parallèle à Harvard, elle donne naissance à Mathilde et retrouve la PMU sur un projet d’aide à l’arrêt du tabac avec deux groupes de diabétiques, dont l’un bénéficiant d’un soutien personnalisé et l’autre pas.
Elle soulève déjà quelques différences entre fumeuses et fumeurs, les premières considérant le tabac comme un soutien psychologique, les seconds affirmant leur aptitude à cesser toute consommation en cas de décision. Résultat: «Un taux d’arrêt très bas dans nos deux groupes et sans distinction entre les sexes», souligne la spécialiste. Des différences, elle va en trouver ailleurs, fort peu identifiées…
Le souci d’intégrer ces questions dans l’enseignement se dessine à la PMU comme à la Faculté de biologie et de médecine, et Carole Clair, nommée professeure en 2019, portera cet objectif en créant l’Unité médecine et genre d’Unisanté, «une première en Suisse». Avec la sociologue Joëlle Schwarz, elle met en route des cours et un séminaire de prévention du sexisme, «avec des situations cliniques concrètes qui intéressent les étudiants». Elle donne une introduction sur le genre en médecine et développe des problématiques de Master comme les liens entre le sexe ou le genre de la personne et la douleur, et bien d’autres domaines. «Nous faisons aussi le tour des disciplines pour voir avec les professeurs comment intégrer ce questionnement dans leur enseignement», décrit-elle.
Nous n’avons pas, femmes et hommes, le même métabolisme, ni les mêmes façons d’agir et de ressentir. Deux exemples: les femmes – surtout jeunes – qui font un accident cardio-vasculaire en meurent deux fois plus que les hommes ; dans le domaine des transplantations, elles sont plus nombreuses à donner de leur vivant mais moins nombreuses à recevoir. Une médecine vraiment personnalisée ne doit pas négliger la complexité de ces différences biologiques et socio-culturelles. On peut compter sur Carole Clair pour y œuvrer. Elle le fera aussi pour swissuniversities, en coordonnant l’enseignement genre et médecine dans et entre les différentes facultés du pays. Pour se détendre, elle prend des cours de théâtre et court, une manière de conjuguer sport, santé… et gourmandise.
Une ville de goût
Vienne, meilleure en pâtisserie et en opéra qu’en cuisine…
Une personne à sa table
Jean-Pierre Bacri, mort au début de l’année passée. J’aimais beaucoup son côté pince-sans-rire.
Un goût de l’enfance
La ratatouille de ma maman.