La bioinformatique: un outil indispensable aux biologistes

Les installations informatiques du centre de compétences Vital-IT, au Centre intégratif de génomique de l’UNIL. © DR
Les installations informatiques du centre de compétences Vital-IT, au Centre intégratif de génomique de l’UNIL. © DR

Les recherches en biologie, et tout particulièrement celles qui portent sur le génome humain, génèrent d’énormes quantités de données que seule l’informatique est capable de stocker et d’analyser. C’est à ce besoin que répond la bioinformatique.

Il s’agit d’un mariage, celui de la biologie et de l’informatique. Mais l’union «n’est pas une simple cohabitation», précise d’emblée Ron Appel, directeur du SIB Institut Suisse de Bioinformatique. Elle n’est d’ailleurs pas très équitable puisque le second partenaire est toujours au service du premier. Autrement dit, la bioinformatique est «l’utilisation de l’informatique pour étudier le vivant», son champ d’action se limitant principalement «aux macromolécules biologiques que sont les gènes, les protéines, etc.» Ce n’est donc pas un hasard si la direction du SIB est installée à l’UNIL, dans le bâtiment abritant le Centre Intégratif de Génomique (CIG).

Des milliards de mégabytes générés chaque semaine
Difficile en effet d’imaginer aujourd’hui que des biologistes moléculaires puissent se passer de puissants ordinateurs, d’énormes capacités de mémoire, d’algorithmes sophistiqués et des compétences des spécialistes des technologies de l’information. Surtout depuis qu’ils ont séquencé le génome humain, avec ses 3 milliards de paires de bases, ses quelque 20?000 gènes et toutes ses séquences annexes, qualifiées de «non codantes». Les études menées sur le génome «génèrent chaque semaine des pétabits de données», précise le directeur du SIB. En d’autres termes, plusieurs milliards de mégabytes qu’il faut non seulement stocker, mais aussi analyser, voire visualiser pour leur donner du sens.

Le rythme ne cesse d’ailleurs de s’emballer. Le premier séquençage d’une protéine humaine a nécessité une douzaine d’années de travail, alors qu’aujourd’hui, le séquençage de l’ensemble du génome ne prend que quelques jours! «La capacité des séquenceurs (appareils automatiques qui fournissent les différentes séquences de l’ADN) augmente plus rapidement que celle des processeurs», constate Ron Appel. La loi de Moore, selon laquelle la puissance des ordinateurs double tous les 18 mois, est donc surpassée par «l’explosion des données issues des laboratoires biomédicaux, qui sont en outre de plus en plus nombreux à travailler sur le génome».

Des problèmes de plus en plus complexes
Le problème n’est pas uniquement quantitatif. Il faut compter avec la complexité croissante des questions abordées par les chercheurs en sciences de la vie qui obligent les bioinformaticiens «à faire constamment évoluer les algorithmes», précise Ron Appel.

Comme si cela ne suffisait pas à occuper les bioinformaticiens, leur discipline, «qui servait surtout d’outil pour la recherche en sciences de la vie, est désormais de plus en plus utilisée par le monde médical, souligne le directeur du SIB. Avec le développement de la «médecine de demain», qui vise à traiter les patients de manière plus individualisée en tenant compte notamment de leur génome, les médecins auront de plus en plus besoin de données pour le diagnostic, la prévention, la prédiction et le traitement».

Déjà, le SIB s’est lancé dans l’aventure médicale. En collaboration avec un groupe spécialisé dans le diagnostic (Medisupport) et une entreprise faisant du séquençage (Fasteris), l’institut a développé «le premier test prénatal non invasif qui permet de dépister des trisomies chez le fœtus. Mis sur le marché en octobre dernier, ce procédé analyse l’ADN du sang de la mère – qui contient aussi du matériel génétique de son futur enfant. «Il est le seul actuellement capable de détecter les trois formes de trisomie les plus fréquentes et cela, avec un taux de succès de 99%», souligne non sans fierté Ron Appel.

Mise à disposition de ressources et de compétences
C’est donc à de très nombreux défis que doit répondre la bioinformatique, discipline née au début des années 80. Un domaine dans lequel «la Suisse, et tout particulièrement l’arc lémanique, ont joué un rôle de pionnier», souligne Ron Appel.

Le pays poursuit sur sa lancée, grâce notamment au SIB Institut Suisse de Bioinformatique qui a fêté en 2013 son 15e anniversaire. Sa première mission, explique son directeur, est de mettre «des ressources bioinformatiques de pointe à la disposition de la communauté nationale et internationale des sciences du vivant». A cette fin, l’institut développe des banques de données, dont la plus grande est Swiss-Prot – «une véritable encyclopédie de protéines qui renferme des centaines de milliers d’entrées». Il élabore également des logiciels d’analyse et propose une plate-forme de services en ligne sur le web.

Il offre aussi, et surtout, aux laboratoires de biologie les compétences de ses bioinformaticiens. «Actuellement une cinquantaine d’entre eux, travaillant dans le centre Vital-IT installé au CIG de l’UNIL, participent à 200 projets de recherche qui sont menés à l’EPFL, dans les Universités de Lausanne et Genève, mais aussi de Fribourg et de Berne.»

Un modèle de collaboration intercantonale
Subventionné par la Confédération, le SIB «a aussi pour mission de fédérer la bioinformatique en Suisse, qui compte 46 groupes répartis dans les universités, les EPF, les HES de sept villes de Suisse». Ce qui ne représente pas moins de 650 personnes. «C’est un modèle de collaboration interinstitutionnelle et intercantonale qui est maintenant copié au niveau européen», se réjouit Ron Appel. Un autre exemple d’union réussie.

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