La nuit appartient à Tchaïkovsky

Pendant la journée, l’auditoire 351 de l’Amphimax voit passer des étudiants en Sciences sociales et politiques. Le soir, il accueille régulièrement les répétitions de l’Orchestre symphonique et universitaire de Lausanne (OSUL). Ainsi, ce 6 novembre 2013, une cinquantaine de musiciens répétait la Symphonie n°1 de Tchaïkovsky, sous la direction du chef invité Luc Baghdassarian.

Sur un tempo allegro, ce dernier fit retravailler plusieurs fois quelques mesures, demanda «davantage d’intensité» sur un fa dièse, exigea «des attaques plus lumineuses et ascétiques» de la part des cordes, s’intéressa de près aux contrebasses et prodigua des encouragements. L’intensité du travail se ressentait dans l’auditoire, où la concentration ambiante était palpable. Des moments de musique fascinants à observer.

Prochains concerts à Lausanne: le 19 mars (Bruckner) et le 5 juin 2014 (Schumann).

En complément de l’article paru dans Allez savoir ! 56 de janvier 2014

Rencontre avec Hervé Klopfenstein, directeur artistique de l’Orchestre symphonique et universitaire de Lausanne (OSUL) et Directeur général de la Haute Ecole de musique et Conservatoire de Lausanne.

Luc Baghdassarian a été «chef invité» pour la Symphonie n°1 et le Concerto pour violon de Tchaïkovsky. Pourquoi avoir introduit cette nouveauté, alors que vous dirigez l’OSUL?

Il s’agit d’une évolution, peu en usage dans le milieu des orchestres amateurs. L’ensemble doit en effet posséder le niveau suffisant pour s’adapter à un nouveau chef, ce qui est le cas de l’OSUL. Ce système offre une ouverture vers des œuvres différentes, qui ne dépendent pas des goûts du directeur artistique – même si les miens sont éclectiques. Cela répond aussi aux désirs de nouveaux répertoires provenant des musiciens eux-mêmes et d’expérimenter d’autres façons de travailler.

Parlez-moi de vos effectifs…

Nous comptons 160 interprètes dans notre fichier. Au gré des programmes, 80 à 110 personnes se trouvent sur scène. Dans le cas d’œuvres romantiques et post-romantiques qui exigent des instruments plus «rares», nous faisons appel à des renforts issus de la Haute Ecole de musique.

Quels sont vos liens avec l’UNIL?

Lorsque nous montons sur scène, nous représentons l’UNIL et l’EPFL. L’OSUL joue au Dies academicus une année sur deux. Nous répétons sur le campus, et nous donnons parfois des concerts à la Grange de Dorigny. Dans nos rangs, les universitaires sont largement majoritaires, qu’ils soient actifs ou qu’ils aient passé par les deux hautes écoles. Ce mélange renforce le trait d’union que nous représentons entre l’académie et la cité.

A la répétition du 6 novembre, j’ai constaté que l’orchestre avait déjà bien avancé, en peu de temps. Comment travaillez-vous?

Pour les œuvres de Tchaïkovsky, l’orchestre a commencé par deux lectures avec un assistant, avant de travailler en groupe. Puis les répétitions ont débuté. Il faut se rendre compte que par le passé, une formation comme l’OSUL «montait» un ou deux concerts par an. Nous en sommes à trois, ce qui pose quelques soucis d’ajustement avec le calendrier académique et les examens. Une dizaine de répétitions, c’est très peu. Cela requiert un fort engagement de la part des musiciens, qui se doivent d’être tous présents. Nous ne perdons pas de temps! Cette exigence émane aussi des membres de l’orchestre, qui souhaitent jouer de grandes œuvres. Par exemple, nous allons présenter la 6e Symphonie de Mahler à Beaulieu en 2015.

Comment peut-on rejoindre l’OSUL?

L’admission se fait sur audition, ou à l’essai. Comme nous sommes un orchestre universitaire, je dirais que les membres de la communauté UNIL-EPFL ont un tout petit avantage. Si les places, en nombre limité, ne sont pas faciles à prendre, tout bon musicien peut intégrer l’OSUL, même si parfois il doit attendre quelques mois. De plus, les registres eux-mêmes tiennent à jouer avec de bons interprètes. Quant aux solistes, il s’agit de professionnels, souvent jeunes. Parmi eux figurent les récipiendaires du «Prix de l’OSUL» décerné par la HEMU.

Vos musiciens prennent-ils des cours?

Ce n’est pas obligatoire, même si certains le font. Ils ont en principe achevé leur formation de niveau «non professionnel». Par exemple, certains étudiants qui jouent avec nous comptent 12 ou 13 ans de violon derrière eux, et n’ont plus le temps de suivre des leçons de musique. Faire partie de l’OSUL constitue un bon moyen de conserver un bon niveau!

Comment choisissez-vous les œuvres jouées?

Sur mon bureau, j’en ai deux piles: celles que j’estime faisables, et d’autres qui ne le sont pas encore. Bien sûr, des idées émanent des musiciens eux-mêmes. Pour des raisons d’effectifs, notre répertoire part de Beethoven et court jusqu’aux post-romantiques. Brahms et Tchaïkovsky sont au cœur de notre répertoire. Pour aborder des compositeurs plus modernes, comme Bartók, nous devons compléter les effectifs avec des renforts. Mais je ne souhaite pas y faire recours trop largement, car l’OSUL risquerait alors de perdre son identité.

Vous lancez-vous dans des créations?

Oui. Par exemple, le 3 octobre dernier, nous avons joué une œuvre de Guy-François Leuenberger à l’occasion de l’inauguration du bâtiment Géopolis. Ce fut un enjeu musical et architectural, puisque les interprètes se trouvaient à 50 mètres les uns des autres, sur trois étages!

La vidéo du concert de Géopolis

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