«Concernant mon job d’archéologue, je suis calme, patiente, à la limite de l’abnégation. Pour le reste, c’est le contraire, je bouge tout le temps!», lance avec un sourire lumineux Caroline Brunetti, à la tête de l’Office des recherches archéologiques du Valais depuis 2015. Notre interview est en effet animée: notre interlocutrice se lève, propose du café, guette l’arrivée du photographe, puis nous donne un flyer présentant l’ouverture au public du site archéologique Sous-le-Scex à Sion, qui a abrité une succession de cimetières depuis 5000 ans avant Jésus-Christ. «Malgré la Sionne à côté, rivière ravageuse, 300 générations ont choisi de vivre là. Ça me fascine.»
Les pieds sur terre
L’enthousiasme de Caroline Brunetti est contagieux, ses yeux bleus étincellent quand elle évoque l’archéologie. Une passion qui a débuté tôt. Âgée de sept ans, elle visite avec ses parents l’amphithéâtre romain d’Avenches: une révélation. Suivent une première fouille à 14 ans à Martigny, une maturité latin-grec et une licence en Lettres à l’UNIL, archéologie en branche principale. «C’étaient des études tribales, on vivait en communauté pendant des semaines lors des fouilles-école», s’amuse la spécialiste du mobilier en céramique et des Helvètes.
Sans attendre la fin de ses études, la Sierroise a participé à des fouilles d’urgence dues aux nouvelles autoroutes, en Suisse mais aussi à Bibracte (France), en Égypte, à Budapest. «Là-bas, j’ai bossé sur mon premier rempart. C’était en 1990, les pays de l’Est s’ouvraient. Un moment génial, il y avait une énergie folle», se souvient la docteure ès Lettres à l’UNIL, qui aime à la fois l’aspect rigoureux et scientifique de sa discipline, par exemple ce qui concerne la datation, et son côté très concret sur le terrain, à proximité des ouvriers des chantiers de construction, «ce qui nous fait garder les pieds sur terre».
Trésors valaisans
Caroline Brunetti a dirigé des fouilles d’envergure (notamment en tant que chargée de projet chez Archeodunum SA), comme celle du Mormont (Vaud) et son lieu de culte helvète d’importance européenne, datant de la fin de la période celtique, vers 100 av. J.-C. «Grâce à mes spécialisations, je n’ai jamais trop dû chercher du job. Mon premier entretien d’embauche était à 47 ans, pour mon poste actuel», confie-t-elle. Aujourd’hui, fini le terrain pour l’archéologue cantonale. «Mais je ne m’ennuie pas! J’adore en apprendre tous les jours sur le droit, l’économie, la politique et trouver des solutions pour fouiller le plus vite possible sans bloquer les chantiers». Ceci pour «faire fructifier la riche archéologie valaisanne», telle que la découverte à Sion en 2017 du squelette d’un guerrier, avec ses armes et bijoux (850 av. J.-C.). «J’aimerais que le public se rende compte que cet homme vivait pendant la période des pharaons d’Égypte et qu’on a aussi de beaux vestiges ici.»
Un patrimoine que cette mordue de photo et de BD souhaite faire connaître de façon novatrice, sans céder à une «disneylandisation» de la médiation ou au tout-numérique car «les vrais objets dégagent quelque chose». La scientifique désire faire rêver les gens sur son métier, qui analyse tous les aspects de l’homme, ses migrations, sa santé, ses lois… ou ses poubelles.