À la conquête des mondes numériques

Isaac Pante et Vincent Buntinx. Chargé de mission scientifique dans le cadre de la transition numérique à l’UNIL. Chef de projet à la Formation Continue UNIL-EPFL.
Nicole Chuard © UNIL

Dès ce printemps 2020, l’UNIL propose une série de nouvelles formations courtes dans le domaine de la transition numérique. Qu’il s’agisse des aspects techniques, sociétaux, politiques ou culturels, l’institution offre des savoirs et des savoir-faire utiles, aux enseignants, éducateurs et autres publics intéressés.

Depuis 2017, le Conseil d’État vaudois a placé l’éducation au digital parmi ses priorités. L’un des volets de son plan d’action consiste à mieux former les professionnels de l’enseignement et de l’éducation dans ce domaine. Ces derniers se trouvent en effet en première ligne «pour former les citoyens qui vivront au cœur de la société numérique», note Vincent Buntinx, chef de projet à la Formation Continue UNIL-EPFL. Comment en faire des adultes éclairés, capables à la fois de s’adapter à ce monde mouvant, et de rester responsables et critiques?

Afin de répondre à ce besoin, l’UNIL a lancé un appel d’offres parmi ses chercheurs. «44 idées de formations ont été soumises, dont 17 en provenance de la Faculté des lettres», se réjouit Isaac Pante, maître d’enseignement et de recherche en Section des sciences du langage et de l’information & chargé de mission scientifique dans le cadre de la transition numérique auprès de la Direction de l’UNIL.

Choisis parmi ces projets, huit cursus brefs (d’un ou deux jours chacun) sont au programme pour l’année 2020. «Certaines formations seront probablement proposées en collaboration avec l’EPFL, ainsi qu’avec la HEP, car l’UNIL et la Formation Continue UNIL-EPFL ont à cœur de valoriser les compétences transdisciplinaires et complémentaires qui se trouvent au sein de chacune de nos hautes écoles», commente Vincent Buntinx.

A qui s’adressent ces cours? «Nos formations doivent servir autant aux personnes qui vont enseigner l’informatique disciplinaire… qu’à celles qui ne vont pas l’enseigner, mais qui souhaitent intégrer des éléments dans leurs cours, dans une perspective d’humanités numériques ou d’éducation aux médias», résume Isaac Pante.

Ecritures numériques

La première formation proposée, «Écritures numériques», s’adresse en priorité aux enseignants. Ses responsables académiques, Rudolf Mahrer (maître d’enseignement et de recherche en Section de français) et Isaac Pante, plongent les participants dans les spécificités, les usages et les pratiques de l’écriture à l’heure digitale, qu’il s’agisse des SMS, des wikis, des emails, etc. «J’espère tordre le cou à certains préjugés et rappeler que la programmation n’est pas qu’un langage formel», indique Isaac Pante, écrivain (lire en p. 12). Une partie de la journée du 12 février sera dédiée à un atelier de création de littérature numérique, lors duquel les participants créeront des fictions narratives.

Adolescents connectés

Les 17 et 18 mars, la formation «Adolescents connectés» sera conjointement proposée par les Facultés des sciences sociales et politiques (SSP) ainsi que des hautes études commerciales (HEC). Ce cours «combine des approches analytiques de la société ainsi que des approches centrées sur l’individu», explique Vincent Buntinx. La manière d’aborder un élève «surconnecté» nous emmène au-delà d’une simple question de temps passé devant l’écran. «Cela touche à sa construction identitaire et sociale, ajoute le chef de projet. Les heures passées ne sont pas forcément récréatives, mais constituent un passage obligé pour permettre son intégration à différents groupes sociaux.» Lors de ces journées, l’un des participants prend le rôle d’un ado cyberharcelé, et les autres celui des harceleurs. «Les effets dévastateurs dont l’ampleur est démultipliée par la technologie du web peuvent être ressentis et observés par tout le monde», complète Vincent Buntinx.

Internet

Les 4 et 5 juin, des chercheurs en humanités numériques de la Facultés des SSP proposeront, à un public plus large que celui des professionnels de l’enseignement et de l’éducation, la formation «Internet – Enjeux sociaux et politiques». Que reste-t-il, aujourd’hui, des principes de liberté et d’ouverture, très présents aux débuts d’internet? Quels sont les acteurs derrière la gouvernance d’internet? Peut-on échapper au contrôle exercé par les grandes entreprises et certains États?

Réseaux sociaux

Concoctée par la Faculté des SSP, «Like-moi, like-nous», qui se tiendra les 8 et 9 juin, s’intéresse aux enjeux de la présentation de soi à l’ère numérique. Même s’ils s’affichent comme étant innovants, les réseaux sociaux fonctionnent un peu tous de la même manière. «Il convient de présenter sa vie de manière positive et apprendre à gérer son image de manière variable selon les plateformes, qui possèdent des publics de différents âges, observe Vincent Buntinx. Certains adolescents y parviennent de manière presque mécanique.» L’un des buts du cours consiste à permettre de prendre de la distance avec ces pratiques numériques… et pas uniquement celles des adolescents, mais aussi celles des adultes.

Et à l’avenir?

Quatre autres formations courtes figurent au programme, dès l’automne 2020. L’une d’entre elles propose une «Introduction aux humanités numériques» en collaboration avec l’EPFL et avec le centre des humanités digitales UNIL-EPFL (UNIL-EPFL dhCenter). L’UNIL possède des compétences importantes dans ce domaine qui ne cesse de prendre de l’ampleur.

Le développement du numérique touche la recherche en sciences humaines et sociales. Pour prendre un exemple, «lors de ma thèse, qui porte sur l’évolution de la langue au travers de l’analyse algorithmique de textes de presse, je me suis plongé dans les archives en ligne du Journal de Genève et de la Gazette de Lausanne, soit 4 millions d’articles publiés sur deux siècles», indique Vincent Buntinx. L’existence de telles bases de données ouvre de nouvelles perspectives de recherche, impensables il y a quelques années.

Parmi l’offre de l’automne 2020 figure la «Transformation digitale, de la technologie aux personnes.» Il s’agit de comprendre comment la numérisation touche les organisations, en particulier l’école, sur le plan technologique, mais également dans l’esprit. Avec «Données, méthodes, société», l’un des aspects importants de la transition numérique est abordé. La «littératie» des données et leur fiabilité sont mises en perspective. Enfin, les thématiques de la culture vidéoludique, de l’histoire des jeux et de leur évolution seront passées au crible par les chercheurs du GameLab de l’UNIL. L’institution possède une expertise reconnue internationalement dans le domaine.

Rupture avec le passé

Cette nouvelle offre proposée aux enseignants, aux éducateurs et plus largement à un public intéressé, constitue une rupture avec le passé. Pendant longtemps, «l’informatique a été présentée sous l’angle de l’ingénierie, de son rattachement aux sciences mathématiques et logico-formelles. L’inconvénient de cette approche, c’est que l’on perd toute une partie du public et que cela ne rend pas justice à l’objet», estime Isaac Pante. L’un des moyens d’échapper à ce piège consiste à croiser les regards sur le numérique.

Cela implique un changement de perspective pour les participants. D’abord, tous les cursus comportent une dimension concrète. «Nous ne voulons pas dissocier la pratique du discours», insiste Isaac Pante. Ainsi, un informaticien touchera à l’histoire des langages de programmation, tandis qu’un historien mettra le nez dans le code. Tous se retrouvent autour des humanités numériques.

Enfin, l’air de rien, ces formations touchent à notre culture. Isaac Pante souhaite redonner une dimension plus ample aux objets traités. «Un code informatique peut être poétique, voire une œuvre d’art», souligne le chercheur de l’UNIL. Une affirmation à vérifier par soi-même, en s’inscrivant aux cours en Éducation numérique.

formation-continue-unil-epfl.ch/education-numerique

Laisser un commentaire