Insectes rares: « nous avons eu de bonnes surprises dans nos forêts »

Les forêts de l’Ouest vaudois sont riches en coléoptères rares. L’entomologiste Stève Breitenmoser a étudié les espèces saproxyliques, celles qui décomposent le bois et jouent ainsi un rôle écologique essentiel.

Ils dépendent du bois mort pour leur cycle de vie ou d’arbres vieillissants, le plus souvent pour le développement de leurs larves. Ingénieur HES et entomologiste, Stève Breitenmoser a étudié les coléoptères saproxyliques dans différentes forêts riches en chênes de l’Ouest vaudois. Il s’agit de hêtraies, mais parsemées de chênes, ce qui donne des forêts plus claires qu’une hêtraie traditionnelle.

Ce type de forêt est particulièrement favorable aux coléoptères saproxyliques. Ces insectes dépendent en effet en priorité des feuillus, alors qu’on trouve beaucoup moins d’espèces liées aux conifères. Par ailleurs, le chêne et le hêtre sont deux des essences d’arbres dont dépendent le plus d’espèces saproxyliques. À noter que le châtaignier aussi figure sur ce podium, mais en Suisse cette essence d’arbre est présente avant tout au Tessin et dans certaines régions du Valais.

Les forêts de l’Ouest vaudois abritent des espèces rares comme le lucane cerf-volant (Lucanus cervus) © Steve Breitenmoser


Espèces rares

Par ailleurs, les espèces exigeantes trouvées dans les hêtraies de l’ouest vaudois ont comme point commun d’avoir à la fois besoin de beaucoup de lumière et aussi de bois mort de plus de 40 cm de diamètre. Autrement dit, il faut la présence de très vieux arbres pour avoir ces espèces. Autant de conditions réunies dans les 17 hêtraies riches en chênes qui ont été étudiées pour cet inventaire. Enfin, la présence de chênes indique un climat intermédiaire entre le Sud et le Centre de l’Europe.

Les forêts de l’Ouest vaudois se sont avérées très riches en coléoptères saproxyliques, avec plus de 300 espèces recensées. Mais surtout, on y a trouvé de nombreuses espèces rares et exigeantes, près d’une centaine. Y compris certaines espèces reliques qu’on trouve normalement uniquement dans les forêts primaires de Pologne ou d’Ukraine. C’est-à-dire des forêts intactes, car jamais exploitées par l’homme.

Grand, mais difficile à voir

Parmi les espèces trouvées lors de cette étude il y a le Grand capricorne un insecte spectaculaire qui peut faire jusqu’à 6 cm de long. Il est devenu rare dans toute l’Europe. Il lui faut en effet des chênes d’au moins 100 ans, pas trop ombragés et en train de mourir, ce qui fait beaucoup de conditions à la fois à remplir. « Ce qui était intéressant était de le trouver en forêt », explique Stève Breitenmoser. Avant, sa présence avait été repérée uniquement sur des arbres isolés ou des allées de chênes. À noter que malgré sa taille, qui en fait un des plus grands insectes européens, il est difficile d’observer , car il vole au crépuscule.

Il est en danger critique d’extinction en Suisse et c’est ce qu’on appelle une espèce parapluie. Quand une telle espèce est présente, on sait que le milieu abrite des dizaines d’autres d’espèces exigeantes. Autrement dit, en protégeant le Grand capricorne, on protège des dizaines d’autres espèces en même temps.

Heureusement très peu d’espèces exotiques, venant d’Asie ou d’Amérique, ont été trouvées.

L’inventaire s’est fait dans 17 hêtraies riches en chênes et parmi les 652 espèces recensées, plus de la moitié sont saproxyliques.

Malgré sa taille imposante – 6 cm sans les antennes – le Grand Capricorne (Cerambyx cerdo) est difficile à observer en raison de son vol crépusculaire © Breitenmoser


Un outil intéressant

« On ne s’attendait pas à une telle diversité » résume Stève Breitenmoser. En décomposant le bois, les coléoptères saproxyliques jouent un rôle écologique essentiel, notamment en régénérant les sols forestiers.

L’inventaire a été mené sur dix ans et constitue un outil intéressant pour les gardes forestiers. Il leur permet de savoir dans quelles forêts on trouve quelles espèces, y compris les espèces prioritaires pour le canton de Vaud, comme le Grand Capricorne et le Lucane cerf-volant. Ils peuvent ainsi agir en conséquence. Ainsi, il faut laisser notamment une quantité de bois morts importante comme des branches, troncs, souches et des arbres morts sur pied ainsi que la présence de lumière pour les favoriser.

Hélène Koch

Cet article est une version vulgarisée d’un article paru dans le bulletin 2024 de la Société Vaudoise des Sciences Naturelles : « Coléoptères saproxyliques remarquables des peuplements forestiers riches en chênes de l’ouest vaudois. » Stève Breitenmoser, ingénieur HES et entomologiste

Coléoptères saproxyliques remarquables des peuples forestiers riches en chênes de l’ouest vaudois

Auteur: Breitenmoser Steve
Bulletin 103
Année: 2024
Pages: 91 – 107
DOI : https://doi.org/10.5169/sceaux-1061947