Menetus dilatatus est originaire de l’Est des États-Unis. Ce petit mollusque a été observé pour la première fois en Suisse dans le lac de Morat et cette découverte confirme que la région des Trois Lacs est un lieu d’arrivée pour les espèces aquatiques exotiques.
La population de Menetus découverte dans le lac de Morat est assez importante pour qu’on s’y intéresse. Il est d’ailleurs possible que ce petit gastéropode soit déjà établi dans les lacs de Neuchâtel et de Bienne, ainsi que dans l’Aar et la partie suisse du Rhin. M. dilatatus se nourrit en broutant le film biologique qui recouvre les feuilles. Ce film biologique est composé d’organismes unicellulaires de type planctonique, bactériologique ou mycélien (champignons) et on le retrouve aussi sur les cailloux et le bois. Cependant, c’est bien ce film biologique sur les feuilles dont se nourrit M. dilatatus, ce qui régule son abondance. Les colonies les plus denses ont été relevées dans la zone littorale du lac, dans des eaux de moins d’un mètre de profondeur.

Spécimen adulte de Menetus dilatatus avec image détaillée des lignes de croissance de la coquille © Pierre Marle
Une espèce à surveiller
M. dilatatus peut être classé comme une espèce eurythermique, c’est-à-dire que ce petit escargot peut supporter des variations de température importantes et donc vivre aussi bien dans des eaux à 10°C qu‘à 25°C, à l’opposé de la truite par exemple, qui a besoin d’eaux fraîches. M. dilatatus est aussi eurytopique, ce qui signifie qu’il peut s’adapter à différents types de milieux, concrètement aussi bien dans les lacs que dans les rivières. « Les espèces exotiques invasives sont souvent eurythermiques et eurytopiques », note Pierre Marle, hydrobiologiste et chercheur associé au Naturéum.
Un autre problème possible avec les espèces venues d’ailleurs est qu’elles peuvent être porteuses de maladies auxquelles elles sont elles-mêmes peu sensibles, mais qui font des ravages chez les espèces indigènes. Il est également bien connu que de nombreux gastéropodes hébergent des parasites. Ces gastéropodes servent souvent d’hôte intermédiaire (on dit alors qu’ils sont infectés), avant de passer chez les poissons qui les mangent les mollusques infestés, puis chez les oiseaux qui mangent le poisson. Qu’en est-il par rapport aux maladies ou aux parasites du Menetus ? « On n’a pour l’instant rien observé par rapport à ça mais il y a très peu de recherches là-dessus actuellement », explique Pierre Marle.
On a repéré Menetus dilatatus un peu par chance, au détour d’un relevé. Aucun relevé n’avait été fait depuis 2009 dans le lac de Morat. De plus ce gastéropode est de petite taille et ressemble à une espèce indigène, Gyraulus crista, Sa présence aurait donc pu passer encore longtemps inaperçue.
De façon générale, la région des Trois Lacs semble être un foyer d’implantation d’espèces exotiques.
La Saône n’est pas très loin et un bateau qui naviguait dans une de ces rivières a pu par exemple se retrouver le jour suivant dans le lac de Neuchâtel. Et de là, passer dans le lac de Bienne où de Morat, via les canaux et les rivières qui les relient. « Les eaux de ballast des bateaux représentent un vecteur majeur de propagation d’espèces exotiques et expliquent fréquemment l’apparition de nouvelles espèces », insiste Pierre Marle.
Avant M. dilatatus, plusieurs mollusques exotiques ont déjà été trouvés dans le lac de Morat, dont la moule zébrée et la moule quagga, les deux espèces de mollusques les plus invasives en Europe. À noter aussi que certaines espèces sont peu invasives dans leur pays d’origine, où elles forment même parfois des populations éparses et stables. Mais quand elles s’implantent dans un autre pays, elles prolifèrent parfois de façon explosive si les conditions qu’elles rencontrent leur plaisent et si elles n’ont aucun prédateur.
Pour l’instant, on ne note aucun impact notable de M. dilatatus sur les espèces indigènes, mais sa découverte montre que la région des Trois Lacs nécessite un suivi plus important. Un monitoring plus fréquent des Trois Lacs a d’ailleurs été proposé. Cela dit, ce monitoring dépend des cantons et s’ils ne le développent pas, personne ne va les contraindre à le faire.
Hélène Koch
Cet article est une version vulgarisée d’un article paru dans le bulletin 2024 de la Société Vaudoise des Sciences Naturelles : First report of the exotic gastropod Menetus dilatatus (Gould 1841) in Switzerland (Gastropoda : Planorbidea), Pierre Marle, hydrobiologiste et chercheur associé au Naturéum.
Auteur: Marle Pierre et Menétrey Nathalie
Bulletin 103
Année: 2024
Pages: 73 -77
DOI : lien

