Quelques années avant la Verrerie de Saint-Prex, celle de Monthey en Valais collaborait déjà avec des artistes. Ces relations débutent avec Marc-Auguste Bastard en 1914 et se poursuivent au cours des années 1920 avec Juliette Matthey-de-l’Étang. Les deux figures genevoises imaginent des pièces à fabriquer, puis il et elle les décorent à l’émail, avant de les présenter dans des expositions d’arts décoratifs. Si le catalogue montheysan n’adopte pas ces nouveaux modèles pour autant, ces collaborations révèlent les potentialités d’une alliance entre les arts appliqués et l’industrie du verre helvétique, à une époque où la concurrence avec l’étranger est rude. La présente contribution entend mettre en lumière ces relations méconnues, tout en soulignant l’importance de la Verrerie de Monthey dans le premier tiers du XXe siècle.
MVD 14-2024
Vincent Thévenaz, L’orgue de l’église Saint-John de Territet
L’article présente le destin mouvementé de l’orgue de l’église Saint-John de Territet, installé en octobre 1877 sur la tribune occidentale par une manufacture allemande. Déplacé dans le chœur, il est agrandi par une première firme anglaise, transformé par une seconde firme anglaise et finalement retouché par une entreprise suisse. À ces premières années mouvementées, succède un long déclin. L’orgue représente un témoin original et une synthèse stylistique rare reposant sur les héritages allemand, anglais et suisse. En déroulant ses étapes de conception, ses usages successifs et son évolution, l’article anticipe une restauration qui, plus que toute autre intervention, requiert des connaissances pointues.
Laurent Auberson, Les murs de vignes en Lavaux. Éléments pour l’histoire d’une architecture paysagère
Les murs de terrassement des vignes de Lavaux sont un élément marquant de ce paysage aménagé inscrit au Patrimoine mondial de l’UNESCO. Exprimant des nécessités essentiellement pratiques et discrets dans les sources d’archives, ils ont des origines qui ne se laissent pas appréhender avec une grande précision. Leur multiplication est allée de pair avec l’éclatement de la propriété foncière et des exploitations viticoles au bas Moyen Âge. Au XVIIIe siècle, les travaux d’amélioration du réseau routier furent l’occasion de constructions et de réfections plus systématiques de murs de vignes. La perception romantique – dans la peinture, les arts graphiques et la littérature – précéda de peu l’arrivée de l’ère industrielle et du chemin de fer, qui allait imposer des règles techniques strictes, tout en s’inscrivant comme une nouvelle étape dans l’évolution historique de ce patrimoine.
Diego Maddalena, Barres, grilles et pilotis. Le modèle corbuséen dans l’habitat collectif vaudois vers 1950-1960
Vocabulaire architectural, volumes, relation avec les abords : durant les années 1950, l’habitat collectif vaudois et suisse connaît une profonde mutation. En l’espace de quelques années seulement, s’observe une généralisation des typologies de la barre et de la tour aux dépens des immeubles avec toiture à pans et façades en maçonnerie traditionnelle. À l’origine de ce processus se trouve notamment un bâtiment, l’Unité d’habitation de Le Corbusier et ses collègues de l’AtBAT, dont l’impact sur la production architecturale des années 1950-1960 est retentissant. Depuis la France, ce modèle est importé par plusieurs biais, en particulier par les publications, les voyages et à travers la formation des architectes. Il bénéficie également d’un terreau fertile en raison des nouvelles approches valorisant la rationalisation et l’industrialisation de la construction.
Bruno Montamat et Joëlle Neuenschwander Feihl, De Paris à Pully : la villa Eupalinos de Charles Stern
L’article, présenté en deux parties, propose de raconter la genèse de la villa Eupalinos à Pully, du nom du mythique architecte grec, au travers de son singulier maître d’ouvrage, Charles Stern, artiste décorateur mondain parisien devenu poète solitaire au bord du Léman. Le portrait du commanditaire est une impérieuse nécessité pour en saisir pleinement l’hiératique demeure. L’article se poursuit ensuite par une exposition minutieuse de la composition de la maison et de ses jardins, conçus par Henri-Robert von der Mühll, homme profondément pénétré de l’environnement culturel cosmopolite dans lequel se développent les avant-gardes artistiques et l’architecture du Mouvement moderne, dont il sera ensuite un interprète et promoteur.
Catherine Schmutz Nicod & Karina Queijo, La vie parisienne au bord du Léman. Les propriétés du prince Napoléon, de Jean-Philippe Worth et de Gustave Eiffel
Les années 1860 connaissent un essor du tourisme au bord du Léman, amenant l’édification de nombreux hôtels. Parallèlement, des étrangers fortunés décident également d’y acquérir une propriété ou d’y faire bâtir une demeure pour passer la belle saison. L’article présente le cas de trois célébrités parisiennes qui s’établissent sur la côte suisse dans les années 1860 à 1890: le prince Napoléon-Jérôme, Jean-Philippe Worth et Gustave Eiffel. La bourgeoisie parisienne du Second Empire est souvent dépeinte comme démonstrative, aussi bien dans son train de vie, son architecture que ses intérieurs. Elle apparaît comme fière d’exhiber sa réussite ou sa fortune. Les propriétés vaudoises de nos trois hommes ne font pas exception, témoignant d’un même goût de la démesure, assorti d’un éclectisme stylistique original, peu commun dans nos régions.
Dave Lüthi, Immigrations architecturales : une histoire millénaire
Loin d’être un territoire isolé, le canton de Vaud est lieu de passage et parfois d’établissement pour des architectes et des artisans d’origine parfois lointaine, et ce depuis l’Antiquité. Depuis plus d’un demi-siècle, la recherche a mis en évidence ces acteurs provenant de Bourgogne, de Suisse alémanique, du Piémont mais aussi de la Gascogne, de l’Angleterre et du Pays de Galles. Cet article propose une vision panoramique de ce phénomène d’immigration architecturale au long cours, du XIe au XXIe siècles en cherchant à les placer dans leur contexte historique, politique et culturel.