Appel à communications | « Archives audiovisuelles de la littérature »

Colloque international, 15-16 avril 2021, Université de Montréal.

L’audiovisuel fait aujourd’hui partie intégrante du patrimoine littéraire. Si la place des sources sonores et filmiques reste marginale dans les archives littéraires, ces documents représentent une part considérable et grandissante de la mémoire du passé littéraire. Des institutions telles que le Centre d’archives Gaston-Miron (CAGM) à Montréal, les Archives et Musée de la littérature (AML) à Bruxelles, les Archives littéraires suisses (ALS) ou l’Institut Mémoires de l’édition contemporaine (IMEC) en conservent chacune un nombre qui se chiffre en milliers, en majeure partie numérisés. D’autres fonds, d’une ampleur au moins équivalente, se trouvent dispersés dans les archives de chaînes de radio-télévision, dans les archives d’institutions comme l’INA et la Sonuma, ou encore sur des plateformes en ligne (UbuWeb, Pennsound, mais également YouTube, SoundCloud…). La diversité matérielle et générique de ces sources ainsi que l’éclatement des lieux de conservation soulèvent de nombreuses questions, dont celle (non la moindre) de la définition et de l’étendue du concept d’archive littéraire.

À l’heure où la circulation de la parole des écrivains ne se restreint plus au support écrit, les productions audiovisuelles s’imposent en tant que vecteurs de connaissance et opérateurs de patrimonialisation. Or, malgré la richesse des traces archivistiques qui se sont accumulées depuis le début du XXe siècle, et malgré la plus grande facilité d’accès grâce aux avancées de la numérisation, le vaste corpus composé d’entretiens filmés, d’émissions radiophoniques ou télévisées, de reportages ou d’enregistrements audio ou vidéo personnels des auteurs reste encore peu exploré dans les études littéraires.

Ce colloque se donne pour objectif d’ouvrir un champ de réflexion international sur le sujet, en interrogeant le rapport entre littérature et archives audiovisuelles dans l’espace francophone.

Les communications pourront s’inscrire dans les axes suivants, établis à titre indicatif :

Les sources audiovisuelles dans les archives littéraires

On cherchera à sonder les enjeux, les pratiques et les problématiques concrètes de la conservation des sources audiovisuelles dans les archives littéraires. Quelle place occupent-elles dans les collections ? Quels défis posent-elles aux institutions ? Comment penser le rapport entre archive audiovisuelle et archive littéraire ? Ce sera également l’occasion de revenir sur l’évolution des principaux fonds, d’éclairer différents projets ou partenariats qui se sont mis en place autour du patrimoine audiovisuel de la littérature, et de faire état des perspectives qui se dessinent pour l’avenir.

De plus, on pourra s’intéresser à l’emploi que font les institutions archivistiques des techniques d’enregistrement audiovisuelles dans le contexte de leur mission patrimoniale. En effet, des archives comme les AML effectuent des captations sonores ou filmiques de lectures publiques ou de pièces de théâtre, tandis que l’IMEC réalise et édite des entretiens sur support physique ou numérique. Ces initiatives participent d’une démarche active de constitution d’une mémoire audiovisuelle du fait littéraire et invitent à questionner le rôle et les responsabilités des institutions en la matière.

Circulation et valorisation des sources

Se pose également la question de la circulation et de la valorisation des sources audiovisuelles relatives à la vie et à la production littéraires. On peut citer à ce sujet des entreprises de repérage et de rassemblement de documents issus des archives de radio-télévision, visant à les réunir dans des bases de données spécialisées, comme notamment celles du CAGM ou du projet IMVOCS. En vertu de sa progressive numérisation, l’archive audiovisuelle se distingue non seulement par son caractère dématérialisé mais aussi par son étonnante mobilité ; elle se voit rediffusée dans le cadre d’émissions d’archives, éditorialisée en ligne – où elle voisine avec des productions nativement numériques – ou encore rééditée sur support physique dans des collections d’entretiens patrimoniaux (les « Grandes heures INA / Radio France », la collection « Regards » des Éditions Montparnasse…). Ces pratiques de remédiatisation méritent d’être examinées ; elles témoignent des multiples vies de l’archive, de sa visibilité changeante et de ses résonances dans l’espace culturel.

Les usages de l’archive audiovisuelle dans les études littéraires

Les archives sonores et filmiques apparaissent comme de véritables mines d’informations historiques, sociologiques, biographiques, métadiscursives et paratextuelles. Toutefois, si ces sources commencent à être citées dans des travaux monographiques et à entrer dans les bibliographies critiques, peu de réflexions ont été menées au sujet de leur statut épistémologique. En ce sens, il y aura tout lieu de s’interroger, d’un point de vue théorique et méthodologique, sur les usages de l’archive audiovisuelle dans les études littéraires. Quel est l’intérêt scientifique et le potentiel heuristique de ces collections ? Quelles sont les spécificités du travail avec ces sources, comparé aux enquêtes menées à partir de corpus exclusivement écrits ? Comment appréhender les contenus qu’elles véhiculent, compte tenu de la complexité de leur structure sémiotique et des contraintes que le support fait peser sur leur production ? Quelles nouvelles connaissances s’élaborent – ou pourront s’élaborer – à partir de ces documents et comment donnent-elles à penser le littéraire à l’heure de sa progressive multimédiatisation ?

L’archive et l’œuvre : frontières et convergences

Enfin, il importe de problématiser le statut des sources sonores et filmiques, marqué par une ambivalence entre document et œuvre autonome. Comment concevoir l’articulation des fonctions documentaire, patrimoniale et esthétique au sein des collections audiovisuelles ? On pourra, dans cette optique, réfléchir au caractère codifié des scénographies médiatiques, aux effets de prisme et de stylisation induits par la représentation filmique, au concept d’« esthétique documentaire » (J. Alison et Ch. Greig), mais aussi à l’imaginaire audiovisuel de la littérature qui se dégage des collections. À l’évidence, les enjeux ne se présentent pas de la même manière dans le cas d’un poème radiophonique, d’une lecture publique ou d’un reportage télévisé. Néanmoins, l’exemple des transcriptions d’entretiens télévisés entrées dans les Œuvres complètes de Marguerite Duras ou celui de l’édition de la bande sonore du portrait documentaire Sartre par lui-même (1976) par Gallimard rendent manifestes la grande porosité des frontières entre espace médiatique et espace littéraire. Ce phénomène invite à considérer l’archive audiovisuelle sous l’angle de son rapport à l’œuvre écrite, mais aussi à l’aune de sa capacité à faire œuvre.

Les propositions de communication (400 mots maximum), accompagnées d’une brève notice bio-bibliographique, sont à envoyer à Selina Follonier (selina.follonier@unil.ch) avant le 1er juillet 2020.

Comité d’organisation
Selina Follonier (Université de Lausanne)
Anthony Glinoer (Université de Sherbrooke)
Karim Larose (Université de Montréal)

Comité scientifique
Laurence Boudart (Archives et Musée de la littérature)
Steven High (Concordia University)
Michel Murat (Sorbonne Université)
Géraldine Poels (INA)
François Vallotton (Université de Lausanne)
Galia Yanoshevsky (Bar-Ilan University)

Ce colloque est organisé avec le soutien du CRILCQ (Centre de recherche interuniversitaire sur la littérature et la culture québécoises), du GRÉLQ (Groupe de recherches et d’études sur le livre au Québec) et du Centre SHC (Centre des Sciences historiques de la culture).