16-17 novembre 2017
Université de Lausanne
(English version below)
Les photographies tendent à exister en masse. Éléments moteurs de la consommation de masse, elles ont, dès l’invention du médium, amené l’industrie à développer de multiples instruments pour accélérer la production, le stockage et la diffusion des images, de la bobine de film à la carte mémoire, des appareils de petit format aux caméras numériques, en passant par la chronophotographie, le bélinographe, l’impression rotative, etc. En parallèle, nombre de techniques et de standards ont dû être mis au point ou adaptés à la photographie pour gérer, organiser et tirer parti de collections sans cesse croissantes : on peut penser aux catalogues iconographiques, aux registres, aux fichiers, aux systèmes de classification de bibliothèques, aux banques d’images, aux algorithmes, ou aux divers instruments de juxtaposition d’images comme les planches-contact ou les atlas.
Dans certains cas, la photographie peut y constituer l’objet même de la collection, dans d’autres, elle agit plutôt comme l’outil permettant de rassembler et de donner accès à des matériaux provenant de sources très diverses, comme c’est le cas avec le microfilm, par exemple. Aujourd’hui, la nouvelle « indicialité » de la photographie numérique (André Gunthert) fournit des outils supplémentaires pour saisir les images et associer des données à elles, et pour offrir ainsi de nouveaux moyens de gérer et de donner accès à de grandes quantités d’images dans l’espoir de générer de nouveaux savoirs à partir d’elles.
Ce colloque entend réunir des contributions qui abordent l’histoire de la photographie avant tout comme l’histoire de la collecte, du traitement et de la production de vastes ensembles de données visuelles. Que peut-on apprendre d’une approche de la photographie qui ne la réduise ni aux seules pratiques artistiques ou amateurs, ni à des ensembles limités d’images individuelles, mais l’envisage comme une technologie de l’information ? Que peut-elle apporter aux recherches actuelles menées sur les dimensions scientifiques et pédagogiques du médium ?
Parmi les multiples problématiques abordées, on pourra en particulier considérer les questions suivantes :
• Quel profit le traitement massif de la photographie a-t-il apporté aux savoirs dans les
sciences humaines comme dans les sciences dures ?
• Quelles techniques et méthodes ont favorisé l’accumulation et la circulation des
photographies ?
• Quel impact la quantité a-t-elle eu sur les systèmes d’organisation des données ?
• Quels points communs et différences existent-ils de ce point de vue entre matérialité
analogique et numérique, entre les pratiques de la fiche et des bases de données
digitales ?
• Comment la photographie a-t-elle interagi avec les domaines du son ou des images
animées, et que peut-on apprendre de ces autres médias ou d’approches théoriques
développées dans ces autres domaines ?
• Quelles sont les limites du traitement des photographies ? Qu’est-ce qui peut y être
automatisé ou non ? Quelle place doit y être accordée au facteur humain et à la
subjectivité ?
• Comment le numérique redéfinit-il le fossé existant entre image et texte, fossé qui
fonde aussi bien les pouvoirs de l’image que son opacité ?
• Comment affronter plus particulièrement le problème de devoir développer des
structures organisationnelles suffisamment stables pour pouvoir accueillir de grandes
quantités d’images tout en devant atteindre une masse critique de données, ou big
data, pour assurer comparabilité et représentativité ?
Le colloque est une collaboration entre l’UNIL (Section d’histoire et esthétique du cinéma, Centre des sciences historiques de la culture, Collège des humanités,), l’EPFL et le Programme doctoral en humanités numériques, Centre UNIL-EPFL. Il est organisé par Estelle Blaschke (chercheuse FNS Senior, UNIL/SHC), Olivier Lugon (Prof. à la Section d’histoire et esthétique du cinéma, UNIL) et Davide Nerini (doctorant, UNIL/SHC) dans le cadre du projet de recherche FNS « Toute la culture du monde sur pellicule : essor et imaginaire du microfilm des années 1920 aux années 1950 ».
Conference: “Photography and Information Technology”
November 16–17, 2017
Université de Lausanne
Photographs tend to exist in masses. They are a driving force of mass consumerism, and ever since the invention of the medium, the industry has produced numerous devices for accelerating the production, storage and diffusion of photographs, including the film roll, the memory card, small format and digital cameras, chronophotography, wire images, and rotary printing. In parallel, techniques and standards for handling, organizing, and making sense of these ever-increasing collections have been developed or adapted to photography, including iconography, registries, card catalogues, library classification systems, data banks, and algorithms as well as arrangements for juxtaposing photographs such as contact sheets and atlases. Sometimes, photographs act as objects that constitute a collection; sometimes, photography instead functions as a mechanism of conveying material of various sources and provides access to it, as is the case with microfilm, for example. Today, the indexicality of digital photography (André Gunthert) provides additional tools for penetrating the image and associating data with that image; thus, digital photography offers new ways of managing and accessing great quantities of images and of potentially creating knowledge. For this conference, we seek papers that reflect on the history of photography as a history of collecting, processing, and producing vast data sets. What can be learned from thinking about photography not only as an artistic or amateur practice and not only as (a set of) individual images, but as an information technology? How may that concept add to the present scholarship on the scientific and educational dimensions of photography?
The questions we seek to consider, among others, are:
• How did processing masses of photographs contribute to the creation of knowledge in the humanities and natural sciences?
• What technologies and methodologies have allowed for the amassing and circulation of photographs?
• What does mass do to an organizational system?
• What similarities or differences exist between analog and digital materiality, and between the practice of the file card and the data set?
• How did photography interact with sound or moving images, and what can be learned from these or other media and their media theories?
• What are the limits of processing photographs? What can be automated, and what cannot? What status is given to the human factor and subjectivity?
• How does the digital respond to the image–text gap, which, on the one hand, is conducive to the power of an image and, on the other hand, contributes to its opacity?
• How does one navigate the difficulty of developing organizational structures that are stable enough to accommodate masses of images and, at the same time, meet the need for a critical mass of images, or big data, to achieve comparability and representativity?
The conference is organized by Estelle Blaschke, Olivier Lugon and Davide Nerini as part of the SNSF-research project “Encapsulating World Culture: the Rise and the Imaginary of Microfilm (1920s to 1950s)”