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Phonétique Réalisations

Acceptabilité de mots dont la longueur vocalique du noyau a été synthétiquement modifiée

Kelvin Bruggmann

UNIVERSITÉ DE LAUSANNE
FACULTÉ DES LETTRES
Section des sciences du langage et de l’information,
Cours de Phonétique, Printemps 2020

Ce travail a pour objet la perception de la longueur vocalique par des auditeurs du français, en particulier le français de Suisse romande.

Nous avons enregistré des listes de mots lus dont la forme était CVC. Par la suite la longueur de V a été modifiée (allongée ou raccourcie – en fonction de sa longueur phonologique d’origine) et les deux versions (modifiée et non modifiée) des mots ont été soumises à la perception d’auditeurs.

Le questionnaire a été créé avec l’outil LingSurvey. Le questionnaire était constitué de 3 grandes parties : l’introduction et l’indication de données personnelles, le sondage proprement dit avec la déclaration de (non) préférence pour la forme « originale » ou modifiée du nom et enfin la conclusion du sondage, avec les remerciements et
une section « remarques et commentaires ».
Les données personnelles récoltées concernaient : la langue maternelle, le lieu d’apprentissage de la langue ainsi que le lieu de résidence.
Les questions de préférence étaient posée ainsi : « quelle réalisation de ce nom est la plus acceptable ? De quel nom s’agit-il ? » (nous souhaitions vérifier que l’auditeur comprenait bien le mot qui lui était présenté) et les auditeurs devaient cocher la réponse qui correspondait à leur perception.
Les réponses à choix sont les suivantes :
1) Réalisation 1
2) Réalisation 2
3) « Je n’entends pas la différence » 4) « Les deux réalisations me paraissent acceptables »
5) « Les deux réalisations me paraissent inacceptables » / « Je ne comprends pas le mot »
Il n’était pas indiqué à l’auditeur quelle était la version du mot qui était modifiée. Cependant la version modifiée du mot se cachait toujours
sous le label « réalisation 2 » et la version originale du mot sous le label « réalisation 1 ». Il était également important pour nous de laisser les auditeurs marquer assez finement leur préférence de manière à ce qu’ils puissent marquer l’absence de perception de la différence (3), leur indifférence (4) voire même le refus des deux formes proposées (5).
Enfin, la section commentaire devait permettre aux locuteurs d’exprimer leur avis sur le test auquel ils venaient de participer.

33 personnes ont participé au sondage, dont 25 Suissesses et 8 Françaises. En grande majorité, les participants suisses venaient du (ou habitaient dans le) Canton de Vaud et plus précisément du district Jura Nord vaudois.

Les résultats obtenus montrent une préférence générale quasi-systématique pour la réalisation non modifiée. Cependant il est nécessaire de regarder les résultats dans le détail car il existe une forte variabilité selon les voyelles et les contextes, les voyelles fermées, qui ont presque toutes été allongées (à l’exception de /uR/), ont par exemple été particulièrement préférées en version non modifiée (choisie entre 47,92 et 59,37%). Dans l’exemple ci-dessous, sur la perception du mot « vache », réalisation 1 a majoritairement été choisie, indiquant que la différence de longueur est perçue entre la forme d’origine et la forme où le /a/ est allongé, et que cet allongement est perçu comme erratique par les auditeurs. Le second exemple concerne la perception du mot « cage », pour lequel les auditeurs ne semblaient pas gênés par la longueur de la voyelle, puisqu’à 59% ils ont répondu qu’ils ne percevaient pas de différences entre la réalisation avec la V longue et celle avec la V courte, et que les autres réponses étaient réparties de façon homogène entre la version originale et la version synthétique.

La réalisation 1 à majoritairement été choisie, indiquant que la différence de longueur est perçue entre la forme d’origine et la forme où le /a/ est allongé, et que cet allongement est perçu comme erratique par les auditeurs
Exemple de résultats pour la perception du mot « vache » (Réalisation 1 = voyelle courte originale, Réalisation2= voyelle allongée synthétiquement)
Exemple de résultats pour la perception du mot « cage » (Réalisation 1 = voyelle originale, Réalisation2= voyelle synthétique)

L’étude complète est disponible à cette adresse : https://drive.switch.ch/index.php/s/vflMfjnnLOdiQrt

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Phonétique Réalisations

Les paires d’occlusives du français réalisées en chuchotant

Existe-t-il des différences entre la consonne sourde et celle dont le voisement est neutralisé ?

Oriane Martin & Arbelinda Mazreku

UNIVERSITÉ DE LAUSANNE
FACULTÉ DES LETTRES
Section des sciences du langage et de l’information,
Cours de Phonétique, Printemps 2020

Notre expérience porte sur l’analyse du voisement dans les paires de consonnes occlusives [p/b], [k/g] et [t/d]. Notre question de recherche est la suivante: les locuteurs francophones produisent-ils une différence dans les paires de consonnes occlusives en attaque, lorsque le voisement est neutralisé en voix chuchotée? Si oui, de quelle nature sont ces différences et sont-elles perceptibles par les locuteurs francophones?

Pour mener à bien cette expérience, nous avons tout d’abord enregistré quatre locuteurs francophones lors d’une lecture de listes de mots présentant des paires minimales (ex: du poids vs du bois) et avons analysé leurs énoncés, afin de voir si des éléments phonétiques permettaient de distinguer les deux types de consonnes (voisées et non voisées). Enfin, nous avons repris certains de ces enregistrements et avons élaboré un questionnaire permettant d’évaluer la perception des participants, afin de voir s’ils parvenaient à distinguer les deux types de consonnes.

Notre questionnaire à été réalisé à l’aide de LingSurvey. Il est composé de deux parties: une première partie que nous avons intitulée
“Perception”, composée de 44 questions, et une seconde partie intitulée “Informations Personnelles”, composée de 4 questions permettant d’avoir des informations sur le sexe, la langue maternelle et l’âge des participants. Il leur était également proposé, dans cette seconde
partie, de laisser leur adresse email si les résultats de l’étude les intéressaient.

Au total, nous avons reçu 189 réponses à notre questionnaire. Nos résultats montrent une grande variabilité liée au lieu d’articulation des consonnes et aux mots choisis. Toutefois, l’identification correcte à plus de 93% pour le /d/, à plus de 73% pour le /k/ et à plus de 78% pour le /g/ nous laisse penser que les locuteurs sont bel et bien capables de percevoir une différence. Certaines consonnes ont été très bien identifiée dans un mot, mais pas dans un autre ayant la même consonne (90% de réponses correctes pour le “bois” du locuteur 4, mais uniquement 11.88% pour le mot “boule” du même locuteur).


L’étude complète est disponible à l’adresse suivante : https://drive.switch.ch/index.php/s/Njn81PbGWSTZ0us

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Phonétique Réalisations

Projet sur la loi des trois consonnes

Le processus d’épenthèse du schwa (ou e muet) en français dans les groupes de consonnes dépend d’un ensemble de facteurs : la taille du groupe mais aussi la nature de ce groupe et le type de morphologie du mot. La figure illustre l’utilisation de données type « échelle de Likert » dans LingSurvey.

Ce projet s’appuie sur des données récoltées au moyen de LingSurvey dans le cours Systèmes sonores (Printemps 2020) pour montrer les limites de la loi dite des trois consonnes en français, qui stipule qu’un schwa est épenthétisé obligatoirement à une frontière de morphème pour éviter des groupes de trois consonnes (par ex. dans gard-e-rie). En s’appuyant sur des jugements d’acceptabilité, l’étude montre que la loi des trois consonnes doit être nuancée par rapport à la formulation originelle catégorique proposée par le phonéticien Grammont. En effet, (i) le nombre de consonnes mais aussi la nature des trois consonnes jouent un rôle dans le processus d’épenthèse, (ii) la propension à épenthétiser un schwa dépend aussi de la nature grammaticale du suffixe (dérivationnelle ou flexionnelle) et (iii) ces phénomènes sont gradients et non catégoriques.

D’un point de vue méthodologique, l’étude s’appuie sur des jugements d’acceptabilité élicités sur la plateforme LingSurvey au moyen d’une échelle de Likert à 7 points. Cette échelle est très largement utilisée en psychologie, en psycholinguistique et en linguistique.

Ce travail fait l’objet d’une communication au Annual Meeting on Phonology 2020 organisé par UC Santa Cruz et d’un article intitulé Not only size matters: limits to the Law of Three Consonants in French phonology.