Une connaissance du contexte historique est indispensable à l’interprétation et à l’interrogation d’archives. Ainsi, nous débutons ce travail en rappelant brièvement les faits importants dans lesquels s’inscrit l’histoire du suffrage féminin en Suisse.
En 1893 déjà, des associations pour le droit de vote réclament le suffrage féminin, puis créent en 1909 l’Association suisse pour le suffrage féminin (ASSF)[1]. Cette revendication prend de l’importance lors de la Première Guerre mondiale, qui voit les femmes occuper des métiers usuellement réservés aux hommes. Dans les années 1920, une première vague de votations cantonales a lieu. Les premières se sont déroulées à Zürich et à Neuchâtel, suivies par d’autres cantons jusqu’en 1927[2]. Toutes ces tentatives se sont soldées par un échec.
Dans les années 1930, l’environnement fasciste et conservateur a tendance à renforcer le clivage homme-femme et l’image de la mère au foyer[3]. C’est en 1940 que débute à Genève une deuxième vague de votations et qui dure jusqu’à la première votation fédérale de 1959. Durant cette période, la question du service obligatoire des femmes dans la protection civile relève une inégalité : pourquoi les femmes devraient-elles être soumises à de nouvelles obligations avant même de pouvoir donner leur avis à ce sujet ?[4] C’est pour cette raison, que le Conseil fédéral soumet l’objet du suffrage féminin en 1959 qui est rejetée, mais acceptée au niveau cantonal par trois cantons romands : Vaud, Neuchâtel et Genève. L’avocate Antoinette Quinche, domiciliée à Lausanne, y joue un rôle particulièrement important, en encourageant notamment les femmes vaudoises à exiger leur carte de vote en 1957 ou en fondant en 1945 un comité suisse d’action pour le suffrage féminin[5].
Durant cette période de changement, de nombreuses associations féminines voient le jour et défendent leurs droits politique et social ouvertement. A la fin des années 1960, dans un contexte social tendu et pendant les révoltes estudiantines de mai 68, le Conseil fédéral est poussé à présenter une nouvelle votation. C’est donc en 1971 que la Suisse accorde le droit de vote aux femmes sans trop de surprises, même si plusieurs cantons alémaniques s’opposent encore, notamment le demi-canton Rhodes-Intérieures, où la Landsgemeinde continue à la rejeter, jusqu’à ce que le Tribunal fédéral oblige à interpréter l’article de la Constitution cantonale comme étant aussi applicable aux femmes[6]. Ainsi, le « vieux pays » [7] attend 27 ans de plus que la France et 53 ans que l’Allemagne pour accorder cette marque d’égalité politique à tous ses citoyens.