Les ressources naturelles sont souvent gratuites pour les entreprises qui les utilisent. Elles ont une grande valeur économique. Par exemple, la pollinisation permet de générer entre 235 et 577 milliards de dollars US de la production agricole mondiale et la valeur totale des forêts est estimée à environ 4,7 billions de dollars US par an. Cependant, la plupart du temps, les entreprises sont autorisées à utiliser librement la végétation et d’autres ressources naturelles dans leurs processus de production. C’est un problème, car nous consommons actuellement les ressources naturelles 1,75 fois plus vite que la planète ne peut se régénérer, ce qui met en péril les fondements écologiques de la société.
Le professeur Jean-Philippe Bonardi de HEC Lausanne et son collaborateur scientifique Edoardo Chiarotti, co-auteurs de l’étude, proposent une méthodologie centralisée, basée sur des images satellite, pour estimer le coût de la perte de végétation pour le secteur minier. Ils montrent qu’en utilisant des images satellites accessibles au public, il est possible d’évaluer l’impact des entreprises sur les ressources naturelles et les coûts associés. Pour illustrer le fonctionnement de ce système, l’accent est mis sur le cas du site minier d’Antamina, au Pérou, et sur la perte de végétation qui y est associée, en trois étapes principales:
- Les auteurs utilisent une approche satellitaire bien établie pour calculer un indice qui suit le type de lumière émise par les plantes pendant la photosynthèse afin de mesurer l’intensité de la végétation.
- Cet indice est lié à l’activité minière à Antamina, car l’impact de la perte de végétation est évident et visible depuis l’espace.
- Les auteurs considèrent la somme d’argent qui serait nécessaire pour restaurer une quantité similaire de végétation, et l’utilisent pour évaluer la perte de végétation dans le site d’Antamina.
Le résultat révèle que la « dette végétale » du site d’Antamina pour la période 2000-2012 s’élève à environ 5,7 millions de dollars.
Les investissements actuels dans la restauration de la nature doivent augmenter, en particulier de la part du secteur privé. Alors que le financement du reboisement est essentiel pour atteindre les objectifs climatiques, les fonds manquent actuellement. Les investissements dans la préservation et la restauration de la nature sont actuellement de l’ordre de 124 à 143 milliards de dollars par an, provenant principalement du secteur public (86 %). Pour atteindre les objectifs climatiques, ces investissements doivent au moins quadrupler d’ici 2050. Cet article propose un mécanisme permettant au secteur privé d’intervenir et de contribuer à combler ce déficit de financement en faveur de la nature.
Les auteurs montrent comment utiliser la méthodologie proposée pour créer un fonds centralisé pollueur-payeur pour le secteur privé afin de restaurer la végétation. Dans ce système, les entreprises paieraient pour l’utilisation passée et présente de la végétation en transférant les montants dus dans un fonds, qui serait ensuite réinvesti dans des projets de restauration. Selon l’étude de cas, le propriétaire du site d’Antamina pourrait rembourser sa dette de végétation en transférant 5,7 millions de dollars US dans ce fonds, et cette somme serait utilisée pour financer de nouveaux projets de reforestation. Ce système centralisé permet une efficacité dans les résultats de la restauration et la poursuite d’objectifs de restauration prédéterminés, ce qui est la même approche suivie avec le Fonds du Cadre mondial pour la biodiversité (GBF) proposé par la COP 15. Il est important de noter que la méthodologie des auteurs pourrait également être utilisée pour réguler les paiements du secteur privé dans ce système et dans d’autres systèmes de financement centralisés existants pour la restauration de la nature.
Source: article publié sur le site d’E4S (Enterprise for Society) dont HEC Lausanne est partenaire avec l’EPFL et l’IMD. Le Prof. Jean-Philippe Bonardi de HEC Lausanne et le collaborateur scientifique Edoardo Chiarotti figurent parmi les auteurs de ce travail de recherche auxquels ont également participé Jean-Pierre Danthine (EPFL), Dario Scalabrin (Zurich Insurance), et Filippo Trapanese (Quantis).
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