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Le Conseil européen de la recherche finance un ambitieux projet de recherche-action ERC SYNERGY portant sur la gestion par les sociétés du Nord et du Sud des transitions économiques, politiques et sociales vers et dans une ère de post-croissance. Ce projet de 6 ans et de 10 millions d’euros, intitulé « Post-Growth Deal » (REAL) est dirigé par trois chercheurs dont Julia Steinberger de l’UNIL, et vise à apporter à la fois des paradigmes radicalement nouveaux en économie écologique et de nouveaux développements concrets sur le terrain.
L’équipe se compose de deux scientifiques en Catalogne (Espagne), et d’une autre à Lausanne, en Suisse : Giorgos Kallis de l’Institut des sciences et technologies de l’environnement de l’Université autonome de Barcelone (ICTA-UAB), Jason Hickel de l’ICTA-UAB et du Département d’anthropologie de la même université, et Julia Steinberger de l’Institut de géographie et durabilité de l’Université de Lausanne (UNIL).
Afin d’obtenir un éventail suffisant de compétences, qu’aucun chercheur ou équipe en elle-même ne possède actuellement dans ce domaine émergent, les expertises suivantes sont réunies :
- modélisation des systèmes d’approvisionnement (Julia Steinberger),
- économie politique et relations Nord-Sud (Jason Ηickel),
- politique des transformations socio-environnementales (Giorgos Kallis).
Les trois chercheurs récompensés proposent ainsi une nouvelle science transdisciplinaire des « 5 piliers de la post-croissance », fondée sur la modélisation des ressources et de l’énergie, et l’analyse politicoéconomique et sociopolitique afin d’identifier les mesures pratiques permettant de donner vie aux Deals de post-croissance, en travaillant avec quatre communautés représentatives pour coproduire des connaissances et des actions sur le terrain.
L’objectif est une convergence entre le Nord et le Sud du globe, et au sein des pays, vers un niveau d’utilisation suffisant des ressources.
Jason Hickel, ICTA-UAB
Grâce à ce financement, les chercheurs uniront leurs compétences respectives pour explorer « comment parvenir à des réductions spectaculaires de l’utilisation de l’énergie et des ressources, tout en mettant fin à la pauvreté et en assurant une vie décente pour tous ». Ils aspirent à proposer de nouveaux modèles de politiques et de systèmes d’approvisionnement dans une orientation de post-croissance, et à s’engager dans les questions de développement dans le Sud. L’objectif ici, explique Jason Hickel, anthropologue économique à l’ICTA-UAB, est « la convergence entre le Nord et le Sud de la planète, et au sein des pays, vers un niveau d’utilisation des ressources suffisant pour un développement humain élevé et compatible avec les limites planétaires. »
Le Deal post-croissance fait référence à la nécessité d’un nouveau pacte politique et institutionnel entre le gouvernement et les citoyens, équivalent à celui du New Deal ou de l’État-providence, mais désormais axé sur la sécurité du bien-être à une époque de stagnation économique prolongée et de dégradation du climat. La réalisation d’un tel « Deal » nécessite de nouvelles recherches, de nouvelles données et de nouveaux modèles que le projet REAL entend développer.
C’est la première fois qu’un projet d’une telle ampleur et d’une telle portée est accordé sur le thème de la post-croissance, et c’est donc une opportunité qui comporte une responsabilité importante.
Giorgos Kallis, ICTA-UAB
« C’est la première fois qu’un projet d’une telle ampleur et d’une telle portée est accordé sur le thème de l’après-croissance », déclare Giorgos Kallis, spécialiste de l’environnement à l’ICTA-UAB. « Il s’agit d’une reconnaissance et d’une validation des efforts déployés par de nombreux chercheurs isolés depuis des années – contre l’opposition générale et avec peu de soutien institutionnel ou financier. C’est une opportunité qui comporte une responsabilité importante. »
L’apport spécifique de Julia Steinberger dans ce projet est particulièrement lié à l’étape 1, consistant à la modélisation des systèmes d’approvisionnement, les autres aspects reposant aussi sur des développements conjoints avec les deux autres chercheurs barcelonais.
Ce projet n’est rien moins que révolutionnaire et devrait nous offrir ce que nous pensons être la meilleure chance d’explorer les idées transformatrices nécessaires pour protéger l’humanité des entrelacs de crises des prochaines décennies : réorienter nos économies loin de la dépendance à une croissance à risques, et vers un épanouissement humain.
Julia Steinberger, Institut de géographie et durabilité
Que faut-il entendre par là (modélisation des systèmes d’approvisionnement) ?
Julia Steinberger : De façon plus générale, la réponse à ces questions nécessite un ambitieux programme de recherche transdisciplinaire visant à explorer ce que nous appelons les 5 piliers de la post-croissance.
Nous déterminerons tout d’abord l’espace planétaire des possibilités, en modélisant l’utilisation des ressources nécessaires pour vivre décemment, et identifiant comment les ressources peuvent être partagées équitablement entre le Nord et le Sud.
Puis nous développerons des paquets de politiques post-croissance capables de réaliser ces possibilités, à la fois pour l’UE et pour les pays en développement.
Ensuite, nous rechercherons quels types de systèmes d’approvisionnement alternatifs sont nécessaires pour obtenir de bons résultats sociaux avec de faibles niveaux d’utilisation des ressources. Nous étudierons également les types de mouvements politiques qui seraient susceptibles de concrétiser des visions post-croissance.
Enfin, nous explorerons une mise en œuvre pratique passant par une planification participative.