Thèse soutenue par Cyril Mumenthaler, le 2 mai 2019, Institut de géographie et durabilité (IGD)
Cette thèse s’intéresse à la montée en puissance de l’agriculture urbaine en Suisse. Elle cherche à répondre à deux objectifs principaux :
- comprendre l’agriculture urbaine, plus précisément dans le contexte helvétique,
- analyser de quelle manière elle bouleverse les cadres de pensées et d’actions de l’agriculture et de l’aménagement du territoire.
Elle repose sur trois cas d’étude : Genève, principalement, ainsi que Zurich et Lausanne et est composée de quatre articles scientifiques.
Les articles sont précédés d’une analyse statistique et cartographique qui fait ressortir les principales caractéristiques de l’agriculture des aires urbaines en Suisse, d’une présentation des cas d’étude et d’une revue de la littérature scientifique. Les principaux apports de cette revue de la littérature sont l’identification des critères souvent implicites à la définition de l’agriculture urbaine et l’élaboration une typologie de l’agriculture urbaine adaptée au contexte suisse.
Du point de vue de l’aménagement du territoire, les fermes urbaines, et l’agriculture urbaine de manière générale, correspondent à d’indéniables changements de pratiques (conception, opérationnalisation). Trois caractéristiques majeures de ces nouveaux aménagements agri-urbains modifient largement la façon de concevoir le projet urbain : une intégration de l’agriculture à plusieurs échelles (régions urbaines, villes et quartiers), une co-construction entre différents services cantonaux et avec les milieux agricoles, et, finalement, un mode alternatif de gestion des parcs publics. L’article 2 permet de définir plus précisément ce que sont les fermes urbaines et de tester la portée et les limites de ce processus d’hybridation des usages, de l’affectation du sol, des acteurs et du foncier.
Du côté de la politique agricole et des milieux agricoles, l’agriculture urbaine est également à l’origine de multiples changements et tend à donner une place inédite à la ville dans la stratégie agricole genevoise. L’agriculture urbaine modifie la façon de penser les politiques agricoles et l’agriculture de manière générale, et marque un retour de l’alimentation et de la ville dans la politique agricole. C’est bien ici la question urbaine qui s’immisce dans la stratégie agricole.
Que ce soit du côté de l’aménagement du territoire ou de l’agriculture, ces hybridations agri urbaines sont toutefois à nuancer et certaines limites à l’invention de l’agri-urbain sont à souligner. D’un côté, l’opposition ville et agriculture est encore très forte dans le contexte suisse. ll en résulte une résistance évidente des cadres réglementaires existants à la mise en æuvre de pratiques par définition hybrides. De l’autre, ce qui est beaucoup plus problématique, l’agriculture urbaine apparaît encore comme une intégration très superficielle des enjeux agricoles dans le projet urbain, se concevant largement en marge de l’agriculture conventionnelle et de la politique agricole.