Thèse en sciences de l’environnement, soutenue le 6 décembre 2024 par Anna Katharina Keil, rattachée à l’Institut de géographie et durabilité (IGD) de la FGSE.
La crise climatique ainsi que d’autres défis écologiques, notamment la crise de la biodiversité, sont étroitement liés à l’activité économique. Après la Seconde Guerre mondiale, une « grande accélération » s’est produite : l’économie mondiale, l’utilisation des ressources et les émissions de gaz à effet de serre (GES) (entre autres impacts sur le système terrestre) ont augmenté à une échelle sans précédent. En conséquence, la résolution des crises écologiques nécessite une restructuration fondamentale de l’économie. En même temps, cette restructuration ne doit pas opposer les préoccupations écologiques aux questions sociales. Notamment, la réduction des émissions de GES conformément à la limite de réchauffement préférable de 1,5°C convenue dans l’Accord de Paris, appelle à une transformation socio-écologique des industries à forte intensité de GES ainsi qu’à l’adaptation de modèles de consommation plus durables.
L’industrie automobile allemande est un secteur qui illustre les défis concrets d’une telle transformation. Cette industrie, et ses fournisseurs, bien que très polluante, est au coeur de l’économie allemande et connue pour ses emplois stables et bien rémunérés. Simultanément, les institutions représentant les intérêts des travailleur·euse·x·s, prépondérantes dans ce secteur, s’engagent en faveur d’une « transition juste » (just transition en anglais). Enfin, la voiture est au coeur de l’imaginaire du pays comme nation automobile, même si l’automobilité est gourmande en ressources et devrait être largement remplacée par les transports publics et la mobilité active (marche, vélo, etc.). Ma recherche porte sur ces défis entremêlés. J’analyse :
- la dynamique de transition industrielle dans l’industrie automobile allemande du point de vue de la durabilité sociale et écologique,
- les imaginaires de la bonne vie et du bon travail de la main-d’oeuvre organisée, et
- les stratégies syndicales en réponse au changement induit par le passage aux voitures électriques chez un fournisseur.
Je constate que (1) la dynamique d’innovation actuelle dans l’industrie automobile allemande n’indique pas une évolution vers des produits socialement et écologiquement durables, tandis que (2) les récits des syndicats sur la bonne vie et le bon travail n’offrent pas une vision se prêtant à une organisation proactive des travailleur·euse·x·s. En outre, (3) les stratégies des syndicats se déploient dans le contexte institutionnel et politique spécifique des relations industrielles allemandes, ce qui constitue un obstacle aux stratégies qui engagent directement des questions de production.
J’utilise le terme de logiques capitalistes pour décrire la manière dont les principes économiques et les relations sociétales sont liés et imprègnent les dynamiques de transition. Enfin, je propose des pistes pour une organisation syndicale transformatrice dans le secteur et les récits correspondants.