Contraintes sur la migration des magmas dans le manteau : implications pour le métasomatisme de la lithosphère, la limite lithosphère-asthénosphère (LAB) et la genèse des magmas ultrapotassiques

Thèse en sciences de la Terre, soutenue le 29 janvier 2024 par Marko Repac, rattaché à l’Institut des sciences de la Terre (ISTE) de la FGSE.

La lithosphère, couche externe rigide et froide de notre planète, est composée de la croûte et de la partie supérieure du manteau terrestre. Elle est fragmentée en plaques qui se déplacent en fonction des contraintes tectoniques, modulant la surface terrestre. La plupart des magmas observés en surface ne proviennent pas de la lithosphère mais de la partie supérieure du manteau convectif sous-jacent, appelée asthénosphère. Bien que principalement solide, l’asthénosphère peut rencontrer des conditions spécifiques permettant la fusion des péridotites qui la composent. Ces conditions sont en grande partie contrôlées par l’épaisseur et le mouvement des plaques lithosphériques, ce qui explique pourquoi la plupart des phénomènes volcaniques se situent aux limites des plaques. Dans les zones de divergences, où les plaques s’écartent, l’asthénosphère est entrainée vers la surface permettant la formation de magmas par fusion décompressive, générant les plaques lithosphériques océaniques. Aux limites convergentes, où une plaque subducte sous une autre, le magmatisme devient plus complexe. La plaque en subduction introduit de l’eau dans le manteau, abaissant la température de fusion et générant des magmas qui forment des arcs volcaniques. Bien que la majorité de l’activité volcanique se produise aux limites des plaques, certains volcans se trouvent à l’intérieur de celle-ci, loin de ces limites. Cela est illustré par des îles volcaniques comme Hawaï ou l’archipel des Canaries, généralement attribuées à des panaches mantelliques, zone particulièrement chaude s’élevant du manteau inférieur. Si les mécanismes de fusion dans l’asthénosphère et de différenciation des magmas dans la croûte sont relativement bien compris, les processus régissant la migration des magmas à travers le manteau restent mal contraints. Combler cette lacune est l’objectif principal de cette étude. Celle-ci se concentre sur la migration des magmas, notamment dans les contextes intraplaques, où les magmas doivent traverser une lithosphère froide et épaisse malgré une géotherme marqué et une faible porosité. Comprendre la formation et la migration des magmas est essentiel pour expliquer le volcanisme intraplaque et l’évolution chimique et physique de la lithosphère.

Nous avons entrepris d’abord une étude sur le rôle de la migration des magmas pour expliquer la limite lithosphère-asthénosphère (LAB), zone séparant la lithosphère froide, rigide, de l’asthénosphère chaude, et ductile. La LAB est marquée géophysiquement par une diminution de la vitesse sismique, souvent attribuée à la présence de petites quantités de magma au sommet de l’asthénosphère. Une question clé associé à cette transition est pourquoi la profondeur de la LAB définie par les études sismiques ne correspond pas à celle définie par les modèles thermiques. Nous proposons que la migration des magmas soit un facteur essentiel pour expliquer cette dichotomie. Nous montrons comment les magmas se forment et s’accumulent à la base de la lithosphère et comment leur composition chimique évolue lors de leur migration dans la lithosphère. Nous explorons également l’évolution thermique des magmas lors de leur ascension dans la lithosphère conductrice. Nos résultats suggèrent que, à mesure que les magmas migrent, ils se refroidissent, formant des assemblages minéraux distincts, notamment des minéraux hydratés comme les amphiboles. Nous proposons que la LAB ne correspond pas à une limite nette, mais corresponde à une zone de transition caractérisées par différents degrés de fusion et par la présence de minéraux hydratés, offrent une nouvelle perspective sur la LAB.

Nous avons ensuite étudié le processus de formation des lamproites de Leucite Hills, roches volcaniques intraplaques rares, émises dans le Wyoming. Ces roches riches en potassium, contenant des xénolites, fournissent des informations sur les processus métasomatiques à grande profondeur au sein de la lithosphère cratonique. En effet, des études antérieures ont démontré qu’une source asthénosphérique est improbable pour ces laves. En combinant observations pétrographiques, pétrologie, géochimie et modélisation numérique, nous proposons un modèle en plusieurs étapes pour la formation de ces roches volcaniques basé sur les contraintes de migration des magmas. Nous suggérons que des « pulses » répétées de magma enrichissent la lithosphère, et que, dans un processus continu, ces domaines enrichis refondent à différentes profondeurs, créant une variation de la composition magmatique en surface.

Enfin, nous testons si l’eau elle-même peut transporter des éléments chimiques à travers la lithosphère. Grâce à la modélisation numérique de l’infiltration des fluides, combinée à des calculs thermodynamiques, nous montrons que des réactions métasomatiques importantes, telles que la formation d’amphiboles ou de phlogopites, peuvent également être obtenues par infiltration de fluides riches en eau. Cette approche constitue une base pour développer des modèles thermo-hydro-mécano-chimiques (THMC) bidimensionnels entièrement couplés, offrant de nouvelles perspectives sur les processus de migration des magmas et des fluides dans la lithosphère.

L’ensemble de ces résultats approfondissent notre compréhension du transport des magmas, du volcanisme intraplaque, du métasomatisme du manteau et de la LAB.

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