Christian Kaiser est géographe spécialiste en géographie computationnelle. Ses recherches portent sur la visualisation interactive des données dans divers domaines, tels que la socio-économie ou les structures urbaines.
Plusieurs des projets auxquels il collabore visent à décrire et comprendre la mobilité dans le réseau urbain : combien de personnes se déplacent ? par quels moyens ? quels sont les déplacements préférentiels ? combien de temps durent-ils ? où se situent les nœuds d’engorgement du trafic ?
Lorsque l’on désire étudier le trafic dans une agglomération ou un quartier, il est nécessaire de déterminer les déplacements effectués par ses nombreux usagers. Dans ce but, Christian Kaiser utilise des caméras situées aux endroits stratégiques de la ville qui transmettent directement les informations captées aux logiciels de visualisation (ces caméras n’enregistrent pas de film préservant ainsi la confidentialité des données). Grâce au deep-learning, il entraîne ces logiciels à reconnaître les différents objets qui se déplacent (piétons, cyclistes, voitures). L’enjeu est d’obtenir une reconnaissance suffisante de chaque objet, pour pouvoir le distinguer des autres, et déterminer son parcours propre ou son temps de déplacement par exemple.
Cette méthode a permis d’améliorer nettement les capacités de reconnaissance des logiciels de visualisation. On atteint ainsi actuellement une reconnaissance fiable de 90% des objets évoluant dans le trafic, contre 70% initialement. Les déplacements individuels sont ainsi mieux déterminés, donnant de précieuses informations sur les trajets préférentiels ou les alternatives choisies par les différents usagers. Par ailleurs les algorithmes permettent également de regrouper des comportements de déplacement similaires (clustering), trop complexes à identifier de manière immédiate en raison du nombre très élevé d’images à interpréter.
L’IA, un net progrès pour les outils de visualisation numérique et d’autres développements à venir
Si Christian Kaiser n’aime pas le terme intelligence artificielle (auquel il préfère apprentissage statistique), il relève les progrès énormes engendrés dans le domaine de la visualisation numérique. « On est passé de blocs informes à des structures reconnaissables ». Par ailleurs le nombre et la qualité des données à disposition se sont également améliorées. Il est par exemple possible de discerner les bandes cyclables sur les images satellites ou déterminer la fonction d’un bâtiment selon les allées et venues répertoriées à ses alentours. Pour la suite, Christian Kaiser entrevoit un potentiel d’évolution sur la reconnaissance de texte et la possibilité de faire dessiner des cartes sur la base de descriptions écrites.
Ce que l’on veut faire, que l’on peut faire et qu’on a le droit de faire
Si les résultats obtenus en utilisant l’apprentissage automatique sont très bons, il faut cependant rester vigilant quant à son utilisation « Il y a ce que l’on veut faire, ce que l’on peut faire et ce qu’on a le droit de faire. Les cadres légaux définissent très clairement des règles empêchant d’empiéter sur la vie privée des gens, ce qui est très bien ». Dans le contexte de recherches en milieu urbain basées sur la visualisation et la reconnaissance d’images, il est important de pouvoir se fier à ces cadres et de veiller à s’y tenir.
Christian Kaiser va contribuer à un projet financé par Interact en collaboration avec Patrick Rérat (professeur à l’IGD) et Stéphane Bolognini (chef de section au service de mobilité de la Ville de Lausanne). Ce projet vise à déterminer les comportements des cyclistes, suite à l’introduction de la possibilité de tourner à droite à certains feux rouges. Plusieurs caméras disposées à des carrefours avec et sans cette option pour analyser le comportement des cyclistes : utilisent-ils cette possibilité ou non ? Si oui comment le font-ils ? Si non quelles sont leur réticences à le faire etc.. Dans le cadre de ce projet le deep-learning servira au traitement automatique des données transmises par les caméras.