Modéliser la physique atmosphérique, prévoir la formation de cyclones tropicaux, et prédire le climat futur

Tom Beucler, Institut des dynamiques de la surface terrestre

Tom Beucler est physicien du climat. Il intègre depuis longtemps l’intelligence artificielle dans ses recherches, dont une partie porte spécifiquement sur l’apprentissage machine.

Son objectif est d’améliorer la modélisation de la physique atmosphérique, notamment afin d’augmenter la qualité des prévisions météorologiques et des projections du changement climatique. Outre leur intérêt scientifique, ces projections sont importantes pour pouvoir anticiper certains événements climatiques extrêmes qui se produisent déjà, ou risquent de se produire, dans le contexte de l’évolution du climat.

Améliorer les modèles grâce aux réseaux de neurones tout en respectant les lois de la physique

L’atmosphère suit des lois physiques qui peuvent être traduites en équations. La complexité atmosphérique provient de la multitude de variables et d’échelles impliquées, qui peuvent interagir entre elles. Lorsque qu’il désire modéliser cette complexité, Tom Beucler se retrouve vite face aux limites de la capacité de calcul des ordinateurs. Il intègre les réseaux de neurones pour réduire le coût de calcul, avec la possibilité de combiner des variables de natures multiples (modèles haute-résolution, radars météorologiques, images satellites, etc). Ceci lui permet d’améliorer et simplifier la représentation des processus complexes et rendre les modèles atmosphériques plus accessibles car moins coûteux.  

Tom Beucler précise qu’il arrive que les calculs basés uniquement sur des données et des algorithmes conduisent à des résultats incompatibles avec les lois physiques (par exemple, il a obtenu des résultats ne satisfaisant pas la loi de conservation de la masse et de l’énergie). Afin d’éviter cela, il intègre dans ses modèles d’IA la connaissance physique (apprentissage machine « guidé par la physique », où les modèles IA opèrent sur les données dans un cadre contraint par des connaissances physiques, évitant ainsi les résultats incohérents).

Grâce aux outils de la modélisation statistique, Tom Beucler et son équipe ont déjà pu obtenir des améliorations dans la modélisation de la formation et de l’évolution des cyclones tropicaux : là où les modèles classiques donnent de nombreux « faux positifs » (le modèle prédit un cyclone là où il n’y en a pas), les modèles plus cohérents avec les données observationnelles permet de conserver les prédictions correctes, tout en réduisant considérablement les « faux positifs ».

Il est essentiel de respecter des règles éthiques et scientifiques dans l’application de l’IA

Selon Tom Beucler : « L’utilisation de l’IA peut conduire à un renversement du processus scientifique » (voir encadré). Cependant, il met en garde contre une utilisation potentiellement biaisée de l’apprentissage machine lorsque celui-ci n’est pas encadré par des lois scientifiques ou éthiques. On peut relever des biais même dans le contexte de l’étude de la météorologie : les régions « riches » ont une densité de capteurs de données beaucoup plus élevée que les régions moins favorisées. Dans le cas de la prévision de formation des cyclones, ceci se traduit par des prédictions beaucoup plus fiables au large des côtes américaines que dans le nord de l’océan Indien par exemple.

L’IA : une (r)évolution dans la recherche ?

Tom Beucler parle d’un passage d’une approche scientifique ascendante (bottom-up) à une approche scientifique descendante (top-down) : traditionnellement, la recherche se développe à partir d’une théorie, dont les hypothèses sont testées en collectant des données sur le terrain. Le type de données collectées est déterminé par l’objectif poursuivi (approche bottom-up des hypothèses aux données). Avec l’IA, toutes les données pertinentes sont traitées et utilisées pour mettre en évidence des modèles ou des interactions entre différents paramètres (approche top-down des données aux hypothèses). Tom Beucler déclare que : « Cela laisse ouverte la possibilité de découvrir de nouvelles interactions ou équations, à condition que les données utilisées soient contrôlées (pertinentes, non biaisées) et que les résultats puissent être contraints dans un cadre théorique cohérent ».

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