Guillaume Jouvet est mathématicien et glaciologue. Parmi ses projets figurent la modélisation de la dynamique glaciaire (manière dont la glace se déplace au sein d’un glacier au cours du temps), l’évolution de la couverture glaciaire alpine dans le temps et l’étude des glaciers côtiers (dont la langue se termine dans un milieu marin).
L’intégration de l’intelligence artificielle dans ses recherches vise à ouvrir de nouvelles portes pour explorer la dynamique des glaciers, comprendre leur rôle passé sur la formation de notre paysage, anticiper leur évolution, et évaluer les conséquences potentielles sur des secteurs tels que le tourisme alpin, ou la gestion des risques.
La modélisation de la dynamique glaciaire est une tâche complexe, impliquant la résolution d’équations intégrant une multitude de paramètres, qu’ils soient climatiques, physiques ou géomorphologiques. Traditionnellement, cette approche était limitée par la capacité de calcul des ordinateurs, en raison du nombre important de données et de paramètres à considérer. C’est là que le deep-learning a pu permettre à Guillaume Jouvet de maximiser l’utilisation de la puissance de calcul disponible de ses ordinateurs et d’optimiser l’efficacité des calculs de modélisation (voir encadré).
Passer d’une échelle au kilomètre à une échelle d’une centaine de mètres
Dans le contexte de la dynamique glaciaire, l’IA permet à Guillaume Jouvet de revolutionner ses modélisations, que ce soit en termes de temporalité ou de résolution spatiale. Il vise par exemple à améliorer la résolution d’une simulation de l’évolution de la couverture glaciaire alpine sur 120 000 ans, que lui et ses collègues ont réalisée sur la base d’un modèle classique.
Son objectif est de passer d’une échelle de 2 km à une échelle de 200 mètres. Ce gain énorme est possible grâce au deep learningqui permet de tirer parti de la puissance de calculs ds ordinateurs (voir encadré). Avec cette nouvelle stratégie, les couteux calculs effectués auparavant dans les modèles classiques sont remplacés par des opérations d’apprentissage peu onéreuses. La nouvelle modélisation haute résolution permettra de résoudre enfin la topographie complexe des Alpes, et d’explorer de nouvelles questions de recherche.
L’IA : un moyen de franchir de nouveaux caps
En dehors de la recherche pure, Guillaume Jouvet utilise également l’IA dans un but de communication, et propose par exemple la production d’iimages satellites de paysages alpins plausible au temps des glaciations, en utilisant l’IA générative. Il estime que « L’IA est un outil très performant pour réaliser des visualisations artistiques et ainsi aider à la vulgarisation scientifique auprès d’un large public ».
Pour Guillaume Jouvet, « l’IA ouvre de nouveaux horizons et représente un outil qui permettra de franchir de nouveaux caps ». Selon lui la principale limite réside dans le fait que l’on ne peut s’appuyer que sur des connaissances/données dont on dispose déjà (i.e. on ne crée pas de nouvelle connaissance).
Comment doper son ordinateur grâce à l’IA
Guillaume Jouvet nous explique comment on peut optimiser la puissance de calcul des ordinateurs via l’IA en utilisant les Graphic Processing Units (GPU) des ordinateurs : usuellement les gens travaillent sur le processeur central de l’ordinateur (CPU) qui traite les instructions contenues dans les programmes informatiques en cours d’exécution, effectue des calculs, gère les opérations de la mémoire et coordonne les activités des différents composants du système. Ce processeur a une vitesse d’exécution maximale définie en Gigahertz.
Le GPU est l’unité de traitement graphique de l’ordinateur qui permet traditionnellement d’optimiser l’affichage et le rendu des images et des vidéos. L’énorme avantage du GPU par rapport au CPU est qu’il dispose de milliers d’unités qui peuvent effectuer des opérations en parallèle, alors que le CPU dispose de seulement quelques processeurs (plus rapides). Guillaume Jouvet image cette différence : « Dans le CPU on a 6 Ferraris et dans le GPU on a 10’000 2CV. Ainsi avec le GPU on a la capacité d’effectuer un nombre incroyable d’opérations en parallèle« . La grande difficulté réside dans le fait qu’il faut rendre les calculs « parallélisables » pour résoudre les équations afin qu’ils soient exploitables par le GPU. L’IA est alors la clef pour cela, car les modèles IA (contrairement au modèle numériques classique) se parallélise naturellement très bien.