Ils décodent les méthodes de colonisation à travers la communication des bactéries E. coli

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Les chercheurs ont reproduit, sur une puce en silicone, une structure en forme d’intestin. Ici, un véritable intestin de souris, image crédit: HistoPathology Core Facility, Institut Pasteur.
Pietro de Anna, Institut des sciences de la Terre

Naturellement présentes dans notre tube digestif, les bactéries E. coli ont des façons bien spécifiques de communiquer et de coloniser les milieux complexes. A l’UNIL, des scientifiques ont reproduit la structure complexe d’un intestin sur une puce, et décortiqué ces mécanismes pour la première fois. L’étude est parue dans Nature communications, et elle constitue une étape vers une meilleure compréhension des interactions entre hôte et microbes.

En moyenne, un intestin humain comprend près de 2 kilos de bactéries, soit près de 10’000 milliards d’individus, appartenant à 1000 espèces différentes. Pami elles se trouvent les bactéries Escherichia coli, habituellement inoffensives et bénéfiques, mais dont certaines souches minoritaires sont pathogènes. On ne comprend toutefois pas vraiment les mécanismes qui régissent leur comportement. Comment communiquent-elles entre elles ?  De quelle façon colonisent-elles des environnements à la structure complexe, tel que le tube digestif humain ? 

A l’UNIL, une équipe de la Faculté des géosciences et de l’environnement (FGSE), en collaboration avec une équipe de la Faculté de Biologie et Médecine (FBM) a décortiqué les processus de colonisation d’un milieu sinueux par ces bactéries. Deux mécanismes ont été étudiés : leurs déplacements provoqués par des stimuli chimiques (chimiotaxie), et leur faculté d’estimer le nombre de leurs semblables alentours (détection quorum), et de réagir en cas de surnombre. La recherche a été publiée dans Nature Communication. Elle ouvre la porte à une meilleure compréhension du rapport entre microbes et personne hôte, ainsi que des conséquences sur la santé de ce dernier.

Un intestin sur puce

Pour mener à bien leur recherche, les scientifiques ont reproduit la structure d’un intestin sur une puce microfluidique, dans laquelle ils ont injecté des nutriments (du glucose), ainsi que des bactéries E. coli. Dans ce milieu étriqué, les bactéries se diffusent, puis elles s’accumulent dans les cavités, pour prendre part à un petit festin. Elles consomment de l’oxygène et absorbent le glucose à disposition, relâchant des substances produites par leur activité métabolique (comme l’AI-2). « Ce signal agit comme un stimulus chimique, qui attire les autres bactéries nageant à proximité. Ainsi, la cavité se remplit de plus en plus, jusqu’à en devenir bondée », explique Pietro De Anna, professeur à la FGSE et co-auteur de l’étude. 

Un deuxième phénomène se produit alors. Lorsque tous les nutriments sont consommés, les bactéries vont activer une sorte de détecteur leur permettant d’estimer la densité de la foule autours d’elles. « En estimant la quantité des signaux, les bactéries remarquent soudain que l’endroit, qui est une impasse, est plein à craquer : leur survie est en jeu », précise le professeur. Les bactéries produisent dès lors de la biomasse plus rapidement que d’habitude. Elles se multiplient le plus possible, afin de croître suffisamment pour sortir de la cavité. 

« Il est essentiel de comprendre comment les bactéries colonisent des environnements complexes et hétérogènes, tels que l’intestin, pour comprendre le fonctionnement des phénomènes naturels, et ceux qui mènent à une pathologie », commente Pietro De Anna. « Par ailleurs, comme l’AI-2 est un mode de communication inter-espèce, notre recherche pourrait donner des indications précieuses pour d’autres espèces de bactéries. »

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