Thèse en géographie, soutenue le 17 novembre 2022 par Mehdi Bida, rattaché à l’Institut de géographie et durabilité (IGD) de la FGSE.
L’économie des systèmes de villes est un système complexe auto-organisé, et en réduisant les problèmes urbains à des villes individuelles ou à des groupes de villes nous risquons de ne pas tenir compte de leur nécessaire caractère multiniveau. Comprendre sa dynamique par une approche bottom-up est donc essentiel pour comprendre comment les changements aux différents niveaux d’organisation sont interreliés et comment les différents niveaux conditionnent mutuellement leurs évolutions. Dans cette perspective, nous proposons de fournir une micro-fondation de la dynamique des systèmes de villes qui s’appuie sur la théorie évolutionniste des systèmes urbains et la géographie économique évolutionniste. Nous concevons les villes comme des systèmes évolutifs à plusieurs niveaux d’interaction : à partir des interactions des agents micro-économiques, les villes et le système de villes émergent comme des niveaux supérieurs d’organisation. En accord avec la géographie économique évolutionniste, nous considérons que les agents micro-économiques ont une rationalité limitée, que l’évolution technologique a une dynamique spécifique et que les proximités sont le principal modulateur des interactions. Nous utilisons les théories ci-dessus pour développer un cadre théorique et l’appliquer pour étudier l’évolution de l’organisation économique et géographique du système des villes américaines au cours des deux derniers siècles. L’objectif sera de développer des modèles multi-agents en accord avec le cadre théorique afin de comprendre comment les deux principales transitions du système de villes américain a eu lieu : la première étant son urbanisation et son industrialisation, et la seconde étant sa transition vers l’économie de la connaissance.
À cette fin, nous commençons par développer un modèle multi-agents général de systèmes de villes basé sur le niveau micro qui vise à expliquer deux des régularités les plus remarquables observées dans les systèmes urbains : la loi rang-taille et la relation taille- spécialisation. Le modèle montre que ces deux propriétés peuvent résulter de l’innovation et d’une relation de type modulaire de l’espace des activités.
Dans une deuxième partie, nous cherchons à évaluer l’importance des facteurs spatiaux que sont les coûts de transport et les économies d’appariement (labor matching economies) dans l’industrialisation et l’urbanisation des États-Unis au cours de la période 1820-1920. Nous montrons que les deux processus ne peuvent pas être compris séparément, et que la prise en compte des facteurs spatiaux multi-niveaux des coûts de transport et des économies d’appariement est nécessaire pour comprendre l’industrialisation et l’urbanisation et leur interdépendance. Pour évaluer le rôle des facteurs spatiaux dans les processus d’industrialisation et d’urbanisation, nous effectuons ensuite des analyses contrefactuelles sur un modèle multi-agents basé au niveau micro, calibré de l’économie spatiale des États- Unis pendant la période 1820-1920. Le modèle est développé selon les données empiriques disponibles sur les acteurs économiques et est calibré sur les parts sectorielles et urbaines au niveau macro. L’analyse contrefactuelle confirme l’importance des coûts de transport dans l’industrialisation et le rôle des économies d’appariement dans l’urbanisation.
Dans la troisième partie, nous cherchons à évaluer le rôle des compétences dans la transition du système des villes américaines vers l’économie de la connaissance. Une étude de l’évolution de la composition des compétences des villes au cours de la période 1970 à 2010 permet de montrer quelles compétences ont compté pour le succès des villes pendant la transition. Nous développons ensuite un modèle multi-agents simple des systèmes de villes américaines au cours de la période 1970-2010 pour confirmer l’importance du profil de compétences des villes dans leur succès lors de la transition vers l’économie de la connaissance.