Sur les traces des activistes des lieux autogérés de Rome : comprendre les lieux et cerner le rôle actif de l’espace à partir de l’analyse des carrières militantes

Thèse en géographie, soutenue le 24 août 2022 par Simone Ranocchiari, rattachée à l’Institut de géographie et durabilité (IGD) de la FGSE.

Cette thèse traite des lieux (politico-)socio-culturels autogérés (LSCA) de Rome. Ceux-ci sont des espaces urbains abandonnés ou menacés et occupés le plus souvent illégalement par des collectifs politiques et/ou des habitant·e·s afin d’y mener de manière autogérée des activités culturelles, sociales et éventuellement politiques. Ces lieux sont étudiés avec une entrée par leurs militant·e·s, c’est-à-dire, qu’afin de comprendre ces lieux j’ai fait le choix de les étudier à partir des trajectoires de vie des activistes qui les ont faits naître ou qui les animent.  Les lieux n’apparaissent donc pas comme des simples points sur une carte, des unités toujours « déjà-là », mais comme le fruit d’interactions passées et présentes entre humains et non-humains, entre personnes, espaces, idées et objets

Pour faire cela, j’analyse tout d’abord, les carrières militantes de 22 activistes issu·e·s de 5 lieux autogérés. Par « carrières militantes » on entend les parcours de vie qui amènent certaines personnes vers le militantisme, dans ce cas au sein des lieux autogérés. Dans la première séquence, « commencer », j’identifie les situations et les dynamiques qui ont amené les enquêté·e·s à fonder un LSCA ou à s’y engager. Dans la séquence « continuer », je rends compte des mécanismes qui expliquent pourquoi certaines personnes persistent dans l’engagement — parfois pendant des décennies. Ce qui nous fait continuer dans l’engagement militant relève d’une balance entre des forces centrifuges (poussant les activistes à partir) et des forces centripètes (les poussant à rester) : c’est seulement si cette balance tendra vers les premières que les activistes feront le choix continuer. Dans la troisième et dernière séquence, « abandonner  », j’examine les cas où les forces centrifuges l’emportent et amènent les militant·e·s à faire défection. Dans ces trois séquences, l’espace matériel — le lieux autogérés en tant que bâtiments, qu’espaces concrets — apparait comme un facteur clé pour comprendre l’engagement, la persistance et la défection. 

Ainsi, dans le militantisme au sein des LSCA l’espace n’est pas seulement le cadre de leur action, mais aussi l’instrument par lequel les activistes tentent d’atteindre leurs objectifs : l’expérience des lieux autogérés se caractérise par le fait de militer à travers l’espace matériel, et non seulement dans celui-ci. À partir de ce constat et de l’analyse des carrières, j’ai identifié six fonctions qu’investir collectivement un espace matériel — comme dans le cas des LSCA, mais aussi d’autres mouvements— permet d’atteindre : envoyer des messages à travers l’espace ; s’opposer concrètement à un phénomène contesté ; fournir un appui logistique aux luttes ; prendre soin de soi-même, d’un territoire et d’une communauté; devenir l’incarnation d’une alternative ; rassembler et faire converger des personnes en stimulant la coprésence. 

La caractéristique principale des LSCA — mais aussi d’autres expériences — est que ces six fonctions sont atteintes à travers un seul et même espace matériel (le lieu autogéré). Cette manière d’agir est définie comme une mise en commun (ou commoning) territoriale et oppositionnelle (CTO). Les mouvements dont le répertoire d’action principal est la CTO peuvent à leur tour être rassemblés sous le terme d’activisme de mise en commun territoriale et oppositionnelle (ACTO).

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