Living with tourism in Lucerne. How people inhabit a tourist place

Thèse soutenue par Florian Eggli, le 21 octobre 2021, Institut de géographie et durabilité (IGD)

Depuis plus de deux cents ans, Lucerne est un lieu touristique très prisé. Au fil du temps, l’industrie du tourisme a non seulement façonné l’aspect physique du paysage urbain, mais aussi son image et son identité. Alors qu’au début du tourisme, dans les années 1840, la ville attirait principalement des visiteurs d’Europe, en particulier des premières régions industrialisées du nord, comme le Royaume-Uni, le tourisme s’est développé de manière plus internationale après les deux guerres mondiales. À partir du milieu du XIXe siècle, ce sont de plus en plus des visiteurs des États-Unis qui se rendent à Lucerne.

Cette situation a de nouveau sensiblement changé au tournant du millénaire, lorsque de nouveaux marchés touristiques émergents ont été activement recherchés. Cela a conduit à un éventail de visiteurs de plus en plus diversifié, provenant principalement de pays asiatiques en plein essor, et surtout de Chine. Cette évolution des segments de visiteurs s’est accompagnée d’une croissance constante du nombre de visiteurs, ce qui a suscité un débat sur le type de tourisme souhaité par Lucerne, sur le nombre de visiteurs suffisant et sur les axes de développement de l’industrie touristique. Avec l’expression « surtourisme », une controverse globale, vive et engagée sur la manière de gérer le tourisme de manière adéquate a dominé le discours public ces dernières années.

Dans ce débat sur le tourisme, le conflit se concentre principalement sur les touristes en groupe voyageant dans des autocars de tourisme selon un itinéraire dense à travers l’Europe. En raison de leur emploi du temps serré, ils ne visitent le plus souvent Lucerne que pour une courte durée, lors d’une simple escale. Le débat sur le tourisme à Lucerne présente plusieurs caractéristiques, que la thèse de doctorat proposée veut dépasser : 

Premièrement, le débat actuel oppose souvent à tort les hôtes aux invités. Il s’agit d’une simplification excessive qui ne reflète pas suffisamment la réalité, car les personnes présentes sur le terrain n’entrent pas forcément dans l’un ou l’autre de ces catégories. Il convient en effet de considérer les navetteurs, les étudiants internationaux, la main-d’œuvre mondiale, les nouveaux arrivants et les résidents à temps partiel, les excursionnistes d’un jour ou encore les visiteurs d’une nuit. En élargissant le champ, il devient clair que les lignes de conflit ne sont pas seulement entre deux pôles, mais plutôt entrelacées dans toute la société.

Deuxièmement, le débat actuel se concentre à tort sur le nombre d’hôtes. C’est souvent trompeur, car il n’y a pas de seuil ou de limite supérieure qui définisse la capacité d’accueil d’une ville. C’est plutôt la manière dont les différents acteurs habitent le lieu par leurs pratiques qui conduit à des conflits ou à des rencontres fructueuses. La thèse identifie des pratiques banales et quotidiennes, des pratiques extraordinaires, des pratiques de création de valeur économique, des pratiques de réflexion critique et des pratiques de protestation et de résistance.

Troisièmement, la thèse soutient que Lucerne n’est pas une destination unique avec une seule vision du tourisme. Au contraire, Lucerne possède une multitude de lieux qui sont tous co-construits et produits par ses habitants. Ces lieux sont tous liés les uns aux autres et constituent mutuellement le tissu diversifié de la ville.  

La thèse de doctorat s’appuie donc fortement sur le nouveau paradigme des mobilités (Sheller et Urry 2006), qui propose que les lieux touristiques soient coproduits et activement façonnés par différents acteurs et mobilités. Suite à cette conceptualisation théorique, il convient d’en tirer les conséquences pour l’approche méthodique. Les situations de tourisme urbain ne peuvent pas être observées de manière satisfaisante dans des laboratoires fermés, mais seulement dans un espace de vie vivant, ouvert et dynamique comme l’est une ville.

Cette recherche opte donc pour des méthodes de recherche mobiles (Büscher et al. 2009 ; Fincham et al. 2010 ; Urry 2007) qui succèdent aux informations et aux informateurs en mouvement. Une approche de théorie ancrée a fait ressortir les idées et les résultats de 38 entretiens à pied (avec plus de 80 partenaires d’entretien) et d’une observation participante extensive. Les résultats empiriques se déploient sous la forme d’une ethnographie urbaine qui met en lumière le fait de « vivre avec le tourisme » à Lucerne en trouvant de nouvelles raisons pour les conflits liés au tourisme et de nouvelles perspectives sur les développements potentiels futurs.

Références 

  • Büscher, Monika; Urry, John (2009): Mobile Methods and the Empirical. In: European Journal of Social Theory 12 (1), pp. 99–116. 
  • Fincham, Benjamin; Murray, Lesley; McGuinness, Mark; Sheller, Mimi (Eds.) (2010): Mobile methodologies. ebrary, Inc. New York: Palgrave Macmillan. 
  • Sheller, Mimi; Urry, John (2006): The New Mobilities Paradigm. In: Environ Plan A 38 (2), pp. 207–226. 
  • Urry, John (2007): Mobilities. Cambridge, Malden, Mass.: Polity Press.

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