Thèse soutenue par Annelore Bessat, le 25 mai 2021, Institut des sciences de la Terre (ISTE)
La découverte par des chercheurs japonais en 1997 de petits volcans sur le plancher océanique de la plaque pacifique a été une grande surprise scientifique. En effet, la présence de volcans au front de la zone de subduction, région où aucun plume mantellique profond n’est connu, remet en question l’hypothèse de formation du volcanisme intra-plaque. L’hypothèse proposée pour la formation de ces volcans, dits de type petit-spot, est que la lithosphère océanique (c.-à-d., le plancher océanique couplé au manteau lithosphérique), va subir une flexion lors de la subduction, produisant une extension à sa base, permettant l’extraction de petites quantités de magmas préexistants à la base de la lithosphère. La remontée de ces magmas serait associée au développement de fractures à l’échelle lithosphérique permettant à ces magmas de migrer en surface et de former les volcans sur le plancher océanique. Cette hypothèse de formation ne repose que sur des observations générales et aucun modèle physique n’a été développé pour les tester.
Le but de cette thèse est de mieux comprendre la formation de ces volcans en utilisant des modèles numériques. Un premier modèle a été développé pour contraindre mécaniquement la flexure d’une lithosphère océanique dans une zone de subduction. Ce modèle, réalisé en 2D, couple les processus mécaniques et thermiques pour permettre de simuler une zone de subduction. Il permet également d’étudier les contraintes et les déformations d’une lithosphère océanique fléchie, ainsi que d’identifier les paramètres clés qui ont un impact sur la déformation d’une zone de subduction. La comparaison entre la topographie et l’anomalie de gravité de notre modèle avec des données naturelles de bathymétrie et d’anomalie de gravité à l’air libre dans la région de la fosse des Mariannes montrent que les champs de densités choisis et le comportement de la flexure modélisée sont compatibles avec des données naturelles.
Les résultats de cette étude montrent :
- que dans la partie supérieure de la lithosphère, les déformations élastiques et plastiques (cassantes) sont dominantes;
- que dans la partie inférieure de la lithosphère, les déformations visqueuses (ductiles) dominent;
- La magnitude et la distribution des contraintes déviatoriques, qui illustrent les régions en compression ou en extension, montrent que les valeurs maximales se situent dans la partie supérieure de la lithosphère et dans la région de la flexure.
En revanche, ces valeurs sont proches de zéro dans la partie inférieure de la lithosphère, ce qui implique qu’il n’y a pas d’extension significative à la base de la lithosphère.
Le deuxième modèle numérique est un modèle en 1D qui couple les processus mécaniques hydrologiques, thermiques et chimiques afin de simuler l’extraction de magma à la base de la lithosphère. Le processus de transport du magma se fait grâce aux vagues de porosité « porosity waves ». Ce modèle permet d’étudier d’une part, les mécanismes liés à la percolation et à l’extraction de magmas à la base de la lithosphère dans un milieu où la déformation est visqueuse, et d’autre part, d’investiguer l’interaction physico-chimique entre le solide et le magma. Les résultats montrent que la concentration totale en silice et la température ont un impact important sur la vitesse de migration du magma. Les résultats d’un modèle préliminaire en 2D mettent en évidence que la vitesse des magmas varie entre 1 et quelques centaines de mètres par an, suivant la viscosité du magma et que ces valeurs sont comparables aux vitesses des magmas estimées au niveau des rides médio-océaniques.
Les résultats des deux études numériques montrent que la formation des volcans petit-spot est complexe. En particulier, nos études remettent en question le modèle de formation des volcans de type petit-spot lié à la présence de fracture se propageant jusqu’à la base de la lithosphère. En effet nos modèles prédisent que la partie inférieure est dominée par une rhéologie ductile, rendant impossible le développement de telles fractures. Nos observations sont, au contraire, compatibles avec un modèle alternatif proposant une vision dynamique de l’extraction des magmas. Dans ce modèle, des magmas présents initialement à la base de la lithosphère commencent par percoler et interagir avec la base de la lithosphère, processus produisant un enrichissement dit « métasomatique » de cette région. Dans un stade plus avancé, de petites quantités de magmas, après avoir interagi avec la base de la lithosphère métasomatisée, vont pouvoir atteindre la partie cassante de la lithosphère, permettant le développement de fractures jusqu’à la surface et vont ainsi former les volcans de type petit-spot en surface.