Approche multidisciplinaire pour une meilleure compréhension de l’histoire environnementale et climatique du lac Liambezi dans la région de Caprivi en Namibie

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Thèse soutenue par Anaël Lehmann, le 20 mai 2021, Institut des dynamiques de la surface terrestre (IDYST)

La paléoécologie est l’étude de l’histoire d’un écosystème à l’aide d’enregistrements sédimentaires. L’étude des conditions environnementales passées d’un écosystème particulier se fait grâce à l’analyse de la composition minéralogique, chimique, isotopique et biologique de ses sédiments. Le sujet revêt aujourd’hui une importance particulière avec un impact grandissant de l’influence anthropique liée à la croissance démographique et à l’augmentation parallèle de l’activité agricole et industrielle subie par de nombreux lacs, deltas ou marais. En plus de représenter une précieuse ressource en eau, ces écosystèmes se révèlent également être importants pour le tissu social, écologique et économique des populations présentes au sein du bassin versant. Les milieux humides en climat aride représentent un type d’écosystème particulier d’importance majeure pour une flore et une faune souvent spécialisées dont la présence d’eau dans ce milieu inhospitalier représente une source vitale. Cependant, ces milieux représentent des écosystèmes particulièrement fragiles car ils réagissent de manière sensible à tout changement climatique ou environnemental.

L’étude présente se concentre sur les régions de Caprivi, en Namibie ainsi que du nord Botswana. Ces régions contiennent le deuxième plus grand delta endoréique du monde. La spécificité de ce paysage est le résultat d’une activité tectonique active liée au rift est-africain et de l’accommodation de cette dernière avec les mouvements différentiels entre plaques tectoniques et cratons rigides. Il en résulte une zone de déformation appelée Okavango Graben qui se traduit par la présence de failles normales sur toute la surface de ces deux régions. Ce réseau de failles affecte et contrôle le cours des rivières Okavango, Kwando et Zambèze. Il en résulte un réseau complexe de chenaux et de plans d’eau. Un mouvement de faille liée à l’activité tectonique de la région, même mineur, peut démontrer une redistribution complète du réseau de rivières suite à l’impact géomorphologique. De nombreuses études se sont concentrées sur le delta de l’Okavango. En revanche, le bassin de Linyanti-Chobe ainsi que le lac Liambezi situé en son centre n’ont été que peu étudiés et de nombreux sujets restent à découvrir. De plus, les études sur le climat du Quaternaire dans les régions du nord de la Namibie et du Botswana ont démontré la difficulté d’obtenir des archives paléo-environnementales contenant un matériel permettant une datation fiable et précise. Les résultats obtenus présentent parfois des incohérences, voire même des contradictions. Le choix s’est donc porté sur cette région d’une richesse naturelle exceptionnelle, montrant une grande complexité de connexion entre les rivières et les différents plans d’eau.

Le lac Liambezi a été étudié à l’aide de carottes de sédiments en utilisant une approche multidisciplinaire incluant la minéralogie, la géochimie, la composition de la matière organique ainsi qu’une méthode novatrice visant à l’utilisation de l’ADN de populations de bactéries. Une reconstruction de l’évolution climatique et environnementale pour la région du lac Liambezi comprenant les derniers 5400 ans AP est proposée. Il en résulte la description de l’alternance de périodes relativement sèches et humides ainsi que l’observation de changements dans le régime hydrologique du lac Liambezi. Toutefois, les modifications majeures au sein du lac, tel que l’évolution de sa forme ainsi que l’évolution de ses conditions environnementales, semblent être reliées à l’activité tectonique liée au graben de l’Okavango. La présence importante de bactéries thermophiles soutient cette hypothèse. Une première datation estimée à 5420 ans AP semble démontrer l’ouverture tectonique du bassin nord du lac Liambezi. L’extension de ce premier bassin intervient probablement aux alentours de 1650 ans AP. Le bassin sud se forme lors du dernier événement tectonique enregistré, daté à environ 1000 ans AP. Les dépressions ainsi formées se remplissent dès lors de sédiments de types lacustres et fluvio-deltaïques. Le type de sédiment est contrôlé par les conditions environnementales qui découlent du bassin versant, du climat et de la géomorphologie du site.

Les matériaux permettant une datation précise au sein d’archives paléo-environnementales de milieux continentaux avec une activité tectonique sont difficiles à cibler. Le travail présent démontre la pertinence d’une approche multidisciplinaire dans un milieu aussi complexe. L’utilisation intégrée des diverses méthodes a permis la construction d’un modèle d’âge cohérent pour les sédiments du lac Liambezi ainsi qu’une reconstruction paléo-environnementale et paléo-climatique pertinentes. Cette approche a permis en outre de démontrer le potentiel indéniable de l’utilisation d’ADN de bactérie (populations totales et/ou sporulantes) pour identifier les changements et la variabilité des conditions environnementales d’un tel milieu. Une telle approche, y incluant l’utilisation d’ADN de bactérie est tout-à-fait pertinente pour une utilisation à plus large spectre d’environnements.

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