Le 11 novembre 2019, peu avant midi, un séisme dit « léger » a eu lieu à proximité du village Le Teil, en Ardèche, juste à côté de Montélimar. Ce tremblement de terre a été au centre de l’attention médiatique, et a donné lieu à des informations parfois inexactes au plan scientifique. Nous en reprenons ici quelques-unes pour éclairer certains termes et problèmes de communication.
Ce séisme est souvent appelé « surprenant » et « exceptionnel » dans les médias par sa taille et par sa localisation. Certes, dans des zones de déformation lente, dites intraplaques, ce genre de séisme reste rare à l’échelle de temps humaine : toutes les générations n’en auront pas l’expérience. Cependant, en regardant la carte de sismicité et la carte de zonage de la France, il n’est pas surprenant d’avoir un séisme de cette taille à cet endroit : entre les Alpes et les Pyrénées, le système de faille des Cévennes, avec une histoire géologique longue et complexe, est bien connu des experts.
De même, à une vingtaine de kilomètres vers le sud-est, plusieurs séismes historiques d’une taille similaire à l’événement récent ont eu lieu, notamment un en 1934, deux en 1873, et un en 1773. Le séisme de Lambesc, qui a fait 46 morts en 1909, est plus distant, à 110 km environ.
Il y a une grande confusion quant à la magnitude d’un séisme dans les médias, qui ont donné des chiffres très variés pour la taille de cet événement récent, variant de 4.8 à 5.4. C’est en partie compréhensible, car une douzaine d’échelles de magnitude existent en sismologie, et le public ne les différencie pas. Cependant, ces échelles ont été développées pour pouvoir décrire des séismes de différentes tailles et utilisent pour cela différentes ondes sismiques observées : un peu comme si, pour regarder un objet, vous utilisiez des lunettes, un lorgnon, des jumelles, un microscope, un appareil photo, une caméra infra-rouge, ou regardiez simplement à l’oeil nu.
Pour le séisme du 11 novembre, on lit souvent que sa magnitude est de 5.4. C’est la magnitude dite locale, aussi utilisé en Suisse. C’est proche de la définition de magnitude classique par Richter, dont l’échelle est souvent mentionnée par les médias, mais ce n’est pas exactement équivalent. De plus, la magnitude locale peut être déterminée sur la composante horizontale des sismogrammes ou sur la composante verticale (donnant 5.2 dans ce cas) ; et le résultat est la moyenne des observations à différentes stations individuelles, donc vient avec une incertitude. La magnitude locale donne ainsi un chiffre qui est souvent supérieur à la magnitude du moment, qui exprime directement la quantité d’énergie libérée par un séisme pendant son occurrence.
Pour le séisme du 11 novembre, la magnitude de moment donne 4.9, d’où notre adjectif « léger » en introduction. A partir de 5.0, sur cette même échelle de magnitude de moment, ce serait un séisme « modéré ». On compte plus de 800 séismes de magnitude supérieure ou égale à 5.0 par an au monde. En comparaison, le séisme de 1909 à Lambesc a atteint une magnitude de 6.0 selon Baroux et collaborateurs (article publié en 2003 dans le Journal of Geophysical Research), toujours sur la même échelle. Toute incertitude sur les échelles comprises, le séisme de Lambesc reste au moins 30 fois plus fort en énergie et 10 fois plus fort en secouement du sol que l’événement récent en Ardèche.
Un autre problème de communication souvent rencontré est la confusion entre la magnitude (énergie d’un séisme) et l’intensité (le niveau de dégâts en un point donné). Pour un séisme de magnitude donnée, plus vous en êtes éloigné, plus l’intensité diminue, en règle générale. Similairement, plus le séisme est proche de la surface, plus l’intensité maximale sera élevée. Dans le cas du séisme récent, très peu profond (entre 1 et 4 km sous le niveau de la mer), c’est la proximité d’avec la surface qui a causé autant de dégâts à Le Teil et environs.
Ainsi, des phrases comme « Les centrales nucléaires sont bâties d’une manière à sûrement résister un séisme de magnitude 5″ n’ont pas beaucoup de sens, car elles ne disent rien, soit quant à leur distance par rapport au séisme soit quant à la profondeur de celui-ci.
Il serait donc plus prudent de se baser dans les analyses sur la notion d’intensité, ou, encore mieux, sur le mouvement du sol (en vitesse ou accélération maximale), qui est la mesure quantitative convertible en intensité. De plus, si un article fait référence à des infrastructures sensibles, il serait indiqué que la confrontation de l’événement avec des valeurs limites se base sur des études officielles (certes souvent difficiles à trouver) pour éviter d’affoler inutilement les lecteurs.
Un dernier aspect controversé, très médiatisé : l’affirmation que ce séisme pourrait être d’origine humaine. Nous notons qu’il s’agit pour l’instant d’une hypothèse de travail, une parmi d’autres. Il faudra de nombreuses mesures et études (et donc du temps) pour déterminer si l’homme a joué un quelconque rôle dans ce séisme, et si oui, lequel ; le propriétaire de la carrière proche de la faille, en relation avec l’hypothèse d’une origine anthropique de l’événement, a d’ailleurs ainsi exprimé qu’il reste « à la disposition des scientifiques chargés d’étudier le séisme afin de mieux comprendre ce phénomène ».
Article compilé par Gsur la base des documents et informations issus par le CSEM, le CEA, le BCSF et le RéNaSS, le BRGM et le RGF, et plusieurs articles grand public sur internet.