Thèse soutenue par Daniel Kiss, le 10 octobre 2019, Institut des sciences de la Terre (ISTE)
La déformation est souvent observée dans les roches, comme des plis, ou des ruptures avec des déplacements notables. L’un des exemples les plus spectaculaires à grande échelle (à l’échelle des montagnes) est situé le long de la vallée du Rhône, proche de Martigny, en Suisse. On y trouve un paquet de roches sédimentaires plissées de plusieurs km d’épaisseur et de dizaines de km de long, appelé pli de la nappe de Mordes. Il est facilement observable par exemple sur la Dent de Mordes ou sur les Dents du Midi.
La nappe du Wildhorn, autre nappe tectonique alpine, se trouve au-dessus de la nappe de Mordes. La nappe du Wildhorn est un paquet de roche qui a été transportée par-dessus la zone de cisaillement basale ou le chevauchement (une surface de glissement avec une déformation de cisaillement intense) de plusieurs dizaines de km de sa place d’origine. Ce déplacement est observable par exemple sur le Wildhorn ou sur les Diablerets.
Bien que ces nappes sont observées depuis plus de cent ans, les mécanismes physiques qui forment ces nappes sont encore mal compris. A l’échelle globale, la déformation des roches est caractérisée par des zones de déformations intenses et la localisation de la déformation est séparée par des domaines de petites déformation ou des domaines sans déformation.
Ce mode de déformation est reflété par la tectonique des plaques. La couche dure la plus externe de la Terre (la lithosphère) est constituée de plusieurs plaques tectoniques, qui flottent sur une couche plus faible (l’asthénosphère), chacune de ces plaques bougent entre elles en suivant leur propre direction. La déformation lithosphérique est typiquement localisée en bordure de plaque, ou deux plaques se rencontre.
Ce comportement de localisation de la déformation est naturel dans le régime de déformation cassant (lorsque des roches se brisent au quotidien). Toutefois, en régime ductile (lorsque les roches s’écoulent ou fluent lentement, généralement à quelques dizaines de km de profondeur), la déformation a tendance à se répartir.
Comprendre les processus physiques qui favorisent la localisation de la déformation ductile par rapport à la distribution de la déformation ductile est une clé pour mieux comprendre la tectonique des plaques.
L’objectif de cette thèse est de formuler et d’appliquer des modèles, basés sur la mécanique des milieux continus, pour comprendre la localisation spontanée des contraintes ductiles et la formation des nappes.
Dans le premier article de cette thèse nous étudions la génération spontanée des zones de cisaillement ductiles par ramollissement dû à la température (thermal softening) et par chauffe de frottement (shear heating) c’est-à-dire à la conversion du travail dissipatif en chaleur. Sur la base d’un modèle simple ID, nous avons déterminé une nouvelle formule analytique pouvant être utilisée pour estimer la température des zones de cisaillement.
Dans le deuxième article, nous présentons les résultats de simulations numériques 2D sur l’initiation de la subduction. L’initiation à la subduction se produit lorsqu’une nouvelle limite de plaque se forme, ou les deux plaques se rapprochent l’une de l’autre, et ou l’une des deux plaques passe en dessous de l’autre et plonge dans l’asthénosphère. Nous démontrons que la génération spontanée des zones de cisaillement ductile est un mécanisme possible pour l’initiation de la subduction. Nous montrons que la formule analytique présentée dans notre premier article peut s’appliquer aux scénarios à l’échelle lithosphérique avec une rhéologie et une géométrie complexe.
Dans le troisième article de cette thèse, nous présentons un nouveau modèle mécanique de détachement, de transport et d’empilement de nappes tectoniques, appliqué au système des nappes helvétiques. Les structures modélisées et le champ de température concordent avec les données du système des nappes helvétiques, caractérisé par l’empilement de la nappe de charriage du Wildhorn au-dessus de la nappe plissée de Mordes.