Thèse soutenue par Leanne N. Phelps, le 23 août 2019, Institut des dynamiques de la surface terrestre (IDYST)
L’utilisation des terres par l’homme a des influences dramatiques sur le système terrestre, notamment sur la biodiversité, la couverture terrestre, les cycles biogéochimiques et les émissions de gaz à effet de serre. Si les récents impacts à l’échelle mondiale de cette activité sont bien connus, les influences de l’utilisation historique et préhistorique des terres sur les écosystèmes et les paysages passés ne sont pas encore bien prises en compte dans les études sur les changements globaux.
Les estimations de l’étendue passée des pâturages – les terres utilisées pour l’élevage du bétail dans le cadre des pratiques de production animale – sont particulièrement pauvres, bien que les pâturages soient encore aujourd’hui la forme la plus courante de terres utilisées, leur contribution aux moyens de subsistance mondiaux soit cruciale, et les preuves de leur persistance généralisée pendant l’Holocène soient abondantes. Plusieurs raisons peuvent expliquer cette absence de représentation, telles que la mauvaise définition et caractérisation des processus d’utilisation des terres, la nature étendue et éphémère des pratiques de production animale, qui peuvent laisser peu de traces durables, et les difficultés associées à l’interprétation des utilisations des terres à partir des enregistrements spatialement et temporellement discontinus.
Les biomes herbacés tels que les savanes et les prairies, où la production animale est la plus répandue, constituent la forme la plus étendue de couverture terrestre au monde. Ils couvrent plus de 30 % de la surface terrestre, apportent des contributions souvent sous-appréciées à la biodiversité, et jouent un rôle crucial dans le cycle global du carbone. Tout comme la production animale, les biomes herbacés sont dynamiques et relativement peu représentés dans les études sur les changements globaux, malgré leur importance évidente et leur grande persistance. Cette faible représentation résulte, en partie, d’idées fausses sur leur importance écologique, ainsi que de la difficulté d’estimer leur répartition en raison de facteurs de changement complexes, dont la dynamique des perturbations comme l’utilisation des terres et la modification des régimes de feu et de pâturage.
Étant donné que les interactions entre le climat, les perturbations climatiques et les écosystèmes restent mal comprises, les prédictions des changements écosystémiques sont sujettes à d’importantes incertitudes qui peuvent nuire à leur utilité dans les applications de gestion des terres, d’autant plus que les conditions environnementales non analogues vont devenir de plus en plus courantes. Une meilleure compréhension de l’utilisation des terres à long terme et de la dynamique du changement de la couverture terrestre est donc cruciale pour la conservation durable et la planification de l’utilisation des terres, en particulier sur le continent africain, où les biomes herbacés sont les plus étendus, la dynamique des perturbations disproportionnellement élevée et les changements passés de végétation sont notoirement difficiles à modéliser.
En appliquant une nouvelle approche méthodologique aux restes faunique et aux pollen subfossiles, cette thèse reconstruit la dynamique écologique à long terme de la production animale et des changements de végétation sur le continent africain. La recherche présentée ici vise trois objectifs principaux :
- améliorer la représentation de la production animale pendant l’Holocène dans les études sur les changements globaux ;
- étudier les tendances écologiques à l’origine de la propagation de la production animale africaine ;
- reconstruire et comparer les relations associées végétation-climat pour les forêts africaines et les biomes herbacés, afin d’améliorer notre compréhension des interactions climat-perturbation-écosystème, en particulier dans la production animale.
Dans le premier chapitre, le manque de représentation de la production animale est passé en revue et un cadre est présenté pour une meilleure inclusion dans les études sur le changement global. Dans le chapitre deux, la niche climatique des animaux domestiques en Afrique est reconstruite pour l’Holocène, et les tendances écologiques à long terme derrière la propagation de la production animale sont étudiées. Dans le chapitre trois, les enveloppes climatiques des biomes forestiers et herbacés africains sont reconstituées et les changements à long terme des relations végétation-climat sont étudiés, en particulier ceux qui sont liés à la propagation de la production animale.
Collectivement, cette thèse fait progresser notre compréhension de la production animale et de l’évolution de la végétation sur le continent africain, et offre plusieurs pistes d’exploration. Il constitue une base solide pour les études futures de la dynamique écologique à long terme et offre d’importantes possibilités d’améliorer les stratégies de gestion des terres.