Un article paru dans le New York Times le 20 février 2019, intitulé « A Threat, but also an opportunity », conclut que « bien que les glaciers fondent, la Suisse y voit un potentiel de développement de la production hydroélectrique ».
La réaction de Stuart Lane,
professeur à l’Institut des dynamiques de la surface terrestre
Voilà un article très intéressant et très bien fait graphiquement parlant – en tant que pièce de communication scientifique, c’est même un modèle du genre. Il y manque juste la mention d’un problème : les glaciers servent actuellement de garantie aux projets de production hydroélectrique.
Nous aurons toujours des hivers plus enneigés certaines années et plus secs d’autres années ; or, les hivers plus enneigés réduisent la fonte des glaciers mais fournissent beaucoup de neige pour remplir les barrages. Les hivers plus secs produisent moins de neige fondue, mais cela signifie que les glaciers deviennent libres de neige plus tôt. Ceci est crucial car moins de neige sur la glace signifie une fonte plus précoce et plus intense (car l’albédo est réduit). Les glaciers sont donc notre « police d’assurance », qui nous permet d’avoir une fonte accrue lorsque nous avons moins de neige pendant l’hiver. C’est cette « police d’assurance » qui prendra fin à mesure que les glaciers s’amenuiseront.
La construction de nouveaux barrages est une solution de rechange, car cela signifie que nous augmentons la quantité d’électricité produite par unité de fonte produite. Le problème, cependant, est que le maintien des systèmes actuels devient tellement coûteux que la production actuelle n’est pas très favorable économiquement aux prix actuels (l’électricité produite à partir du carbone et du nucléaire est beaucoup moins chère parce que nous n’avons pas à assumer tous les coûts des externalités négatives liées au recyclage, à la pollution). Donc, personne ne sait d’où pourraient venir les ressources pour construire de nouveaux projets.
Nous sommes obligés de conclure que d’utiliser moins d’électricité est probablement une solution beaucoup moins coûteuse et plus sensée, combinée à l’obligation de payer les coûts réels de l’utilisation des combustibles fossiles et nucléaires (par exemple, une taxe sur le diesel, etc.).
Le lien avec les écosystèmes souligné dans l’article du New York Times est correct – la grande contradiction reposant dans le fait qu’en Suisse, politiquement, le Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC) regroupe à la fois l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) qui insiste pour que nous laissions plus d’eau pour les écosystèmes et l’Office fédéral de l’Energie (OFEN) qui insiste pour que nous augmentions la production d’hydroélectricité.
L’avenir va exiger des choix et des arbitrages politiques difficiles entre plusieurs types de contraintes telle la protection de l’eau, l’assainissement des cours d’eau et l’amélioration de leur écologie et la diminution de l’utilisation des carburants pour ralentir le réchauffement climatique qui va, en retour, aussi protéger l’écologie. Des analyses « joined up » sont ainsi de plus en plus indispensables.