La Conférence de Bonn sur le climat a eu lieu en novembre 2017. Elle est la 23e des conférences annuelles (COP23) de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques.
Commentaires de Jean-Michel Fallot,
Maître d’enseignement et de recherche à l’Institut de géographie et durabilité
La conférence climatique de l’ONU COP23 qui s’est tenue à Bonn avait notamment pour objectif de préciser les règles d’application de l’Accord de Paris (COP21) visant à limiter le réchauffement global du climat à moins de 2°C d’ici à l’an 2100 par rapport à la période préindustrielle. Ces règles devront être finalisées l’année prochaine lors de la COP24 à Katowice en Pologne pour remplacer le protocole de Kyoto qui n’a pas atteint ses objectifs.
Mais la COP23 a débouché sur peu de résultats concrets, notamment à cause de l’absence d’un véritable leader dans la lutte contre le changement climatique après le retrait des USA de l’Accord de Paris. Les pays industrialisés n’ont pas réussi à se mettre d’accord pour financer des mesures pour l’atténuation et l’adaptation au changement climatique en faveur des pays les plus pauvres et les plus vulnérables, qui sont les principales victimes du bouleversement climatique sans y avoir contribué. En outre, les efforts promis par les Etats dans le cadre de l’Accord de Paris pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre se dirigent plutôt vers un réchauffement global de 3°C d’ici à l’an 2100 au lieu de 2°C.
Un réchauffement global de 3°C aurait des incidences négatives sur de nombreux systèmes naturels et humains. Les écosystèmes de l’Arctique et des récifs coralliens d’eau chaude pourraient subir de graves dommages avec la disparition de plusieurs espèces. Les glaciers alpins pourraient perdre 80% de leur surface et 90% de leur volume d’ici à la fin du 21e siècle. La banquise pourrait entièrement fondre en été sur l’Océan Arctique vers la fin du 21e siècle. La fonte du permafrost devrait s’accélérer dans les hautes latitudes et en montagne, ce qui accroîtra l’instabilité des versants et libérera du gaz carbonique (CO2) et du méthane (CH4) dans l’atmosphère. Les forêts devraient aussi disparaître dans de nombreuses régions avec la hausse des températures et de la fréquence des sécheresses. L’élévation du niveau des mers menacera de nombreuses régions côtières et basses terres littorales (érosion côtière, inondations), alors que les eaux des océans plus chaudes deviendront aussi plus acides et moins oxygénées en profondeur, ce qui aura des incidences sur la vie marine. De nombreuses espèces marines tendront à se déplacer vers les moyennes et hautes latitudes, ce qui affectera la pêche et les moyens de subsistance dans les régions tropicales.
La fréquence et/ou l’intensité de plusieurs phénomènes climatiques extrêmes (vagues de chaleur, pluies extrêmes, inondations, cyclones tropicaux, sécheresse) devraient s’accroître dans le futur et provoquer de nombreux dégâts aux infrastructures et établissements humains, à la santé et aux moyens de subsistances des populations urbaines et rurales, surtout dans les pays pauvres. Les populations urbaines sont très vulnérables aux vagues de chaleur et aux inondations, notamment celles des pays pauvres vivant dans des habitations de fortune. Le rendement des cultures agricoles devrait baisser dans la plupart des régions tropicales et tempérées, ce qui aura des incidences sur la sécurité alimentaire et les revenus. Les ressources hydriques et l’accès à l’eau potable et d’irrigation diminueront, notamment dans les zones arides et subarides, ce qui aura des impacts négatifs sur la santé et l’agriculture. La santé humaine devrait se détériorer dans de nombreuses régions, notamment dans les zones tropicales les plus pauvres, avec l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des vagues de chaleur, la diminution de la productivité agricole et de la sécurité alimentaire, ainsi qu’une détérioration de la qualité de l’eau. Le changement climatique devrait également aggraver la pauvreté dans les pays en développement.
Selon le 5e rapport du GIEC (Groupement d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat) paru en 2014, un réchauffement global de 3°C occasionnerait une perte considérable de la biodiversité et des dommages économiques importants à l’échelle mondiale. Au-delà d’un certain seuil de réchauffement, les changements pourraient être brutaux et irréversibles pour plusieurs écosystèmes. Ainsi, la calotte glaciaire du Groenland pourrait intégralement fondre en un millénaire et générer une hausse du niveau des mers de 7 mètres. De tels risques seraient moins importants et les dommages occasionnés aux écosystèmes naturels et humains plus faibles avec un réchauffement global de 2°C d’ici à l’an 2100 par rapport à la période préindustrielle.
Il est donc urgent d’agir et de réduire les émissions des gaz à effet de serre à l’origine du changement climatique, d’autant qu’une baisse de ces émissions n’aura guère d’effet sur les concentrations de ces gaz et sur le réchauffement global du climat avant plusieurs années ou dizaines d’années, en raison de la longue durée de vie de ces gaz dans l’atmosphère. En outre, les océans et la cryosphère réagissent lentement aux variations de températures : ils devraient continuer de se réchauffer ou de fondre pendant plusieurs années ou dizaines d’années, une fois que les concentrations des gaz à effet de serre et le réchauffement global du climat auront été stabilisés.
Après 3 années de stabilisation, les émissions mondiales de gaz carbonique sont reparties à la hausse en 2017, notamment à cause d’un recours accru au charbon. 20 pays se sont toutefois engagés lors de la COP23 à renoncer à ce combustible fossile et à développer des énergies renouvelables propres, mais les pays gros utilisateurs du charbon n’y figurent pas. Les concentrations du gaz carbonique dans l’atmosphère ont atteint une valeur record de 400 ppm en 2016, soit 44% de plus que durant la période préindustrielle (278 ppm). Après avoir stagné de 2002 à 2012 pour des raisons naturelles, les températures moyennes mondiales se sont à nouveau fortement réchauffées depuis 2013. En 2016, elles étaient plus élevées d’au moins 1°C que celles mesurées avant 1910 (cf. graphique).
D’où l’urgence d’agir, car tout retard pris dans l’application de mesures pour atténuer et s’adapter au changement climatique nécessitera de prendre des mesures encore plus drastiques et onéreuses dans le futur pour y remédier. En tant que principaux responsables du changement climatique observé depuis la période préindustrielle, les pays industrialisés doivent assumer leurs responsabilités et concrétiser leurs engagements pris dans le cadre de l’Accord de Paris en mettant sur pied des mesures d’atténuation efficaces et en finançant également des mesures d’adaptation au changement climatique en faveur des pays les plus pauvres et vulnérables. Le temps presse, car ces mesures devront être finalisées lors de la COP24 à Katowice en novembre 2018 pour que l’Accord de Paris soit définitivement un succès.
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