Rafraichissez vos connaissances en météorologie avec la chronique de Jean-Michel Fallot, géographe, MER à l’Institut de géographie et durabilité et spécialiste du climat. Régulièrement, M. Fallot fait un point synthétique sur le temps en Suisse, sur les tendances climatiques, saisonnières et sur l’histoire de la météo dans notre pays, sur inspiration de données de MétéoSuisse.
Après avoir déjà eu chaud au sens propre et figuré avec les incendies de forêts de fin juillet qui se sont produits sous un temps chaud, sec et venteux (mistral et des températures maximales de 38°C au Luc et de 38.5°C en Corse), le Sud-Est de la France et la Corse connaissent une vague de chaleur encore plus importante ces derniers jours provoquée cette fois-ci par le sirocco et un afflux d’air tropical chaud en provenance du Sahara.
Ainsi, la température n’est pas descendue au-dessous de 30.5°C durant la nuit du 31 juillet au 1er août 2017 à Marignana en Corse. Il s’agit d’un nouveau record de chaleur pour une température minimale nocturne pour la France métropolitaine devant les 30.3°C mesuré à Menton le 6 août 2003 lors de la fameuse canicule d’août 2003. La température n’était pas descendue au-dessous de 30.2°C à Marseille La Corniche (et 29.9°C en d’autres lieux de cette ville) durant cette nuit.
Les températures maximales ces derniers jours dans le Sud-Est de la France ont grimpé jusqu’à 42.7°C à Figari (Corse) et à Besse-sur-Issole (Var), 42.2°C au Luc près des Maures (Var), 42.0°C à Sarthène en Corse, 41.9°C à St Maximin la Sainte Baume (Var), 41.6°C à Nîmes-Courbessac (Gard), Ajaccio-Milleli (Corse) et Chateauvert (Var), 41.4°C à Brignoles et Pila Canale (Corse), 41.3°C à Piedigriggio (Corse), 40.7°C à Cabannes (Bouche-du-Rhône), 40.6°C à Carpentras (Vaucluse) et à Calvi (Corse), 40.5°C à Puget-Theniers (Alpes Maritimes), 40.4°C à Cogolin près de St Tropez (Var) et Oletta (Corse), 40.1°C à l’Ile sur Sorgue (Vaucluse), 39.8°C à Istres-le-Tube (Bouche du Rhône), 39.7°C à Avignon (Vaucluse), 39.5°C à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) et Montélimar (Drome), 39°C à Marseille et Aubagne, 38.3°C à Cannes-Mandelieu (Alpes Maritimes), 37.3°C à Lyon, 37.2°C à Vizille près de Grenoble (Isère) 36.0°C à Ambérieu (Ain) et 35.6°C à Vichy (Allier). De nouveaux records de chaleur absolu ont été établis durant cette vague de chaleur en plusieurs endroits de la Corse et du Sud-Est de la France comme à Puget-Thenier. Cette vague de chaleur s’est un peu atténuée depuis dimanche dans le Sud-Est de la France (encore 38 à 39°C hier sur la Côte d’Azur et la Corse).
Pour information, le record de chaleur absolu en France métropolitaine de 44.1°C a été mesuré dans le Gard à St Cristol-lès-Alès et à Conquerac le 12.08.2003, devant les 44.0°C à Toulouse-Franzacal le 8.08.1923 et à Vallon Pont d’Arc (Ardèche) à 2 reprises le 6.07.1982 et le 30.07.1983.
Cette vague de chaleur de début août 2017 a également touché d’autres pays européens avec des températures maximales allant jusqu’à 44.3°C en Espagne (Cordoue en Andalousie), 42°C en Italie (Foggia dans les Pouilles et Frosinone dans le Latium entre Rome et Naples) et en Bosnie (Mostar), 40 à 41°C en Albanie, Serbie et Macédoine, 39 à 40°C en Roumanie, 38 à 39°C en Hongrie, 37 à 38°C en Autriche et en Slovaquie, 35 à 36°C en Tchéquie et en Pologne.
La péninsule ibérique avait connu une vague de chaleur encore plus intense à mi-juillet 2017 avec des températures ayant grimpé jusqu’à 47.3°C à Montoro près de Cordoue en Andalousie, 46.8°C à Cordoue, 45.8°C à Requengos au Portugal et 41.1°C à Madrid le 13 juillet 2017. Cette température maximale de 47.3°C à Montoro constitue un nouveau record officiel absolu de chaleur pour l’Espagne devant les 47.2°C mesuré à Murcie le 4 juillet 1994. Certes, des températures encore plus élevées avaient ou auraient été mesurées en Espagne auparavant avec notamment 50.0°C à Séville le 4 août 1881 et 49.8°C à Hinojosa del Dugue le 23 juillet 1995, mais ces valeurs sont remises en question. Les instruments de mesure ont beaucoup évolué depuis la fin du 19e siècle, ce qui rend les comparaisons difficiles. Sans compter que les mesures de températures doivent être réalisées en respectant plusieurs conditions de l’OMM (Organisation Mondiale de la Météorologie).
Cette vague de chaleur de mi-juillet s’était ensuite étendue à une bonne partie de la France avec des températures maximales de 37 à 39°C dans le Sud-Ouest du pays, 36°C à Grenoble, 35°C à Strasbourg, 34°C à Nancy et 32 à 34°C en Suisse les 18 et 19 juillet 2017.
La Grèce et l’Ouest de la Turquie avaient également connu une vague de chaleur intense à fin juin – début juillet 2017 avec des températures maximales de 45°C près d’Athènes et dans l’ouest de la Turquie. Et ce n’est rien comparativement au Moyen-Orient où les températures maximales avoisinent ou dépassent 50°C presque tous les jours depuis fin juin au Koweit et dans les régions avoisinantes (Irak, Iran) avec une valeur maximale de 53.7°C à Ahwaz en Iran. Le record de chaleur absolu pour l’Asie de 54.0°C mesuré en juillet 2016 n’a tenu qu’à un fil, mais pour combien de temps encore?
Le record de chaleur absolu pour l’Europe officiellement reconnu par l’OMM est de 48.0°C mesuré dans la banlieue d’Athènes à Tatoi et Eleusis ou Elefsina le 10.07.1977. Le record de 48.5°C mesuré à Catenanuova en Sicile le 10.08.1999 n’est toujours pas reconnu par l’OMM tout comme les autres valeurs plus élevées enregistrées ailleurs dans le Sud de l’Europe.
La Suisse a aussi été touchée par cette vague de chaleur de début août 2017 provoqué par un afflux d’air chaud saharien. Des poussières de sable en provenance du Sahara ont d’ailleurs été mesurées ou observées au Jungfraujoch et au-dessus de Payerne les 30 juillet et 2 août 2017. Cette vague de chaleur n’a toutefois pas menacé le record de chaleur absolu de 41.5°C mesuré en Suisse le 11.08.2003 à Grono (GR) près de Bellinzone devant les 39.7°C à Genève le 7.07.2015.
Les températures maximales ont atteint le 3 août (ou les 4 et 5 août 2017 au Sud des Alpes) 36.9°C à Sion et 36.5°C à Genève, 33 à 35°C sur la moitié Ouest du Plateau suisse, 33 à 34.5°C au Sud des Alpes (Tessin), et 30 à 32°C sur la moitié Est du Plateau et le pied Nord du Jura (Bâle). Le 1er août, elles avaient grimpé jusqu’à 35.7°C à Vaduz, 35.4°C à Bad Ragaz, 34 à 35°C dans les autres grandes vallées à foehn (Coire, Altdorf, Glaris, Sion) grâce à ce vent chaud et sec qui soufflait ce jour-là. Les températures minimales ne sont pas descendues au-dessous de 20°C (= nuit tropicale) pendant 6 nuits au Sud du Tessin (Locarno et Lugano) et 4 nuits au bord du Léman (Pully-Lausanne, Vevey). Elles ne sont même pas descendues au-dessous de 24°C à Vevey durant la nuit du 2 au 3 août et à Locarno-Monti durant la nuit du 4 au 5 août 2017. La nuit du 22 au 23 juin 2017 avait été encore plus chaude en Suisse : cf. ma chronique du 30 juin 2017 sur la rétrospective météo du printemps 2017.
Je ne vais pas revenir ici sur la vague de chaleur du 18 au 23 ou 24 juin 2017 qui avait également battu des records de chaleur en Suisse et en Europe. Une étude récente a montré qu’une telle canicule (celle de mi-juin 2017) se rencontre en moyenne tous les 10 à 30 ans en Europe (et tous les 20 ans en Suisse) selon les caractéristiques climatiques actuelles. Mais la période de retour d’une telle canicule était encore supérieure à 100 ans au début du 20e siècle. Cette étude conclut que la probabilité des canicules de ce genre est multipliée par 4 en Europe depuis le début du 20e siècle et même par 10 pour le sud de l’Europe !
Selon une autre étude, le nombre de décès provoqué par de fortes chaleurs en Europe pourrait passer de 3’000 par an actuellement à 152’000 par an d’ici à la fin du 21e siècle si le réchauffement du climat se poursuit au rythme actuel. La canicule d’août 2003 avait entraîné une surmortalité estimée à 15’000 personnes en France et à 1000 personnes en Suisse. Une troisième étude récente a révélé que si l’augmentation des émissions des gaz à effet de serre et le réchauffement global du climat se poursuivent dans le futur au rythme actuel, une partie du Sud de l’Asie où vit 1/5 de la population mondiale deviendrait inhabitable pour l’homme d’ici à la fin 21e siècle!
Je rappelle que le mois de juin 2017 a été le 2e plus chaud enregistré depuis le début des mesures en Suisse et en France. Des records de chaleur ont aussi été battus pour ce mois en Angleterre et aux Pays-Bas.
Cette chaleur estivale a également favorisé le développement de violents orages ces derniers jours en Suisse. Un orage supercellulaire a prolongé le spectacle son et lumières des feux d’artifice de la fête nationale dans la nuit du 1er au 2 août dans le Nord de la Suisse avec des averses intenses, de la grêle et des rafales de vent de 134 km/h à Liebstadt et de 133 km/h à Salee-Reutenen près du Lac Inférieur (Untersee). Dans le même temps, une hauteur de 36.1 mm de pluie en 10 minutes a été mesurée à Eschenz (TG) toujours près du Lac Inférieur. Si cette valeur est confirmée par MétéoSuisse, il s’agirait d’un nouveau record de pluie en 10 minutes pour la Suisse devant les 33.6 mm mesuré en 10 minutes à Locarno-Monti le 29 août 2003 lors d’un front orageux qui avait mis un terme à la fameuse canicule d’août 2003 ! Cette valeur de 36. 1mm est d’autant plus remarquable qu’elle s’est produite avec un orage nocturne qui n’a pas été renforcé par des effets thermiques (air chaud près du sol) comme en journée. D’autres violents orages avaient auparavant touché la Suisse centrale (avec une rafale de vent de 123 km(h à Giswil OW) et le Valais (avec de la grêle et les routes de Derborence et du Sanetch coupées par des coulées de boue ou des éboulements) le jour de la fête nationale (qui coïncide avec celle du Bénin).
La canicule de ces jours s’est terminée comme prévu en Suisse dans la nuit de samedi à dimanche avec le passage d’un front froid, alors qu’elle se poursuit encore actuellement dans le Sud de l’Europe et évidemment au Moyen-Orient (52°C hier au Koweit).