Thèse soutenue par Myriam Borgatta le 8 janvier 2015, Institut des dynamiques de la surface terrestre (IDYST)
Les milieux aquatiques sont exposé continuellement à de plus en plus de substances chimiques qui sont émises par les activités humaines. Les médicaments, par exemple, sont connus pour atteindre l’environnement et provoquer des effets chez les organismes aquatiques. Une fois consommés, ces molécules sont éliminées par l’intermédiaire des urines ou des fèces sous forme originale ou transformée. Ces résidus de médicaments se retrouvent dans les eaux usées et sont dirigés vers une station d’épuration afin d’y être traité. Les stations d’épuration ne sont pas toutes dotées de procédés complexes permettant d’éliminer toutes les substances synthétiques comme les médicaments. Ces molécules sont alors rejetées dans les eaux de surfaces, avec les effluents de la station d’épuration. Une fois dans l’environnement, les effets de ces molécules sont peu connus sur la faune et la flore aquatique.
Les anticancéreux font partie des médicaments qui peuvent être rejetés par les effluents des stations d’épuration et se retrouver dans les eaux naturelles. Parmi ceux-ci, le tamoxifen est utilisée en oncologie pour prévenir et traiter certains cancers du sein. Il est largement prescrit à travers le monde et il a la capacité d’être transformé par le foie en d’autres sous-molécules qui sont également très actives pour lutter contre les cellules cancéreuses. Deux de celles-ci sont le 4-hydroxy-tamoxifen (4OHTam) et l’endoxifen. Tout comme le tamoxifen, le 4OHTam et l’endoxifen sont principalement éliminés par l’intermédiaire des fèces et le tamoxifen a été retrouvé dans des échantillons d’eaux naturelles, à travers le monde. Enfin, un autre anticancéreux qui est éliminé principalement par voie biliaire et qui pourrait potentiellement se retrouver dans les eaux de surface est l’imatinib. Cette molécule cible des cellules tumorales spécifiques et cette spécificité a révolutionné le traitement et la survie des patients souffrant de certains cancers comme la leucémie myéloïde chronique.
Les objectifs de cette thèse ont été d’évaluer les effets du tamoxifen, 4OHTam, endoxifen et imatinib sur organismes aquatiques. Les daphnies ont été choisies car elles représentent des organismes clés de la chaîne alimentaire et leur disparition pourrait entraîner des répercussions importantes sur l’équilibre de l’écosystème. Ces petits crustacés d’environ 3 mm ont été élevés en laboratoire afin d’être exposés à une des quatre molécules anticancéreuse ci-dessus. Ce sont principalement des expériences sur plusieurs générations et à faibles concentrations qui ont été conduites dans notre laboratoire. Une expérience basée sur la modification des protéines a également été entreprise, car il est possible que des protéines soient modifiées alors qu’aucun effet n’a encore été observé chez l’organisme entier. Ce type d’essais permettrait d’identifier de potentiel effets indésirable chez des organismes aquatiques avant que ceux-ci soient affaiblis.
Les résultats obtenus dans cette thèse montrent que le tamoxifen, le 4OHTam et l’endoxifen sont capables de modifier la taille, la reproduction et la viabilité des daphnies à des concentrations qui sont proches de celles pouvant se retrouver dans l’environnement. Ces molécules ont également provoqués des daphnies anormales, avec des antennes et des queues déformées, des prématurés et des oeufs avortés. Le tamoxifen fut la molécule la plus toxique pour les daphnies, suivie du 4OHTam, de l’endoxifen et enfin de l’imatinib. Ce sont donc les effets du tamoxifen, du 4OHTam et de l’endoxifen qui posent le plus de questions quant à l’impact potentiel su la faune et la flore aquatique. Le tamoxifen semble ainsi une molécule à considérer lors des procédures d’évaluation du risque d’une substance pour l’environnement. Nos résultats montrent également que les expériences qui considèrent plusieurs générations de daphnies offrent un meilleur reflet de la réalité environnementale que des essais de courte durée où les générations sont généralement plus élevées. Finalement, nous avons également remarqué qu’il est important de discuter de l’opportunité de mesurer les concentrations qui sont testées lors d’essais en laboratoire afin de ne pas sous-estimer le risque pour la faune et la flore aquatique.