From Theoretical Concepts to Field Observations
Thèse soutenue le 27 mai 2014 par Vincent Gregorio, Institut des dynamiques de la surface terrestre
Ces dernière sannées, de nombreuses recherches ont mis en évidence les effets toxiques des micropolluants organiques pour les espèces de nos lacs et rivières. Cependant, la plupart de ces études se sont focalisées sur la toxicité des substances individuelles, alors que les organismes sont exposés tous les jours à des milliers de substances en mélange. Cette thèse de doctorat s’est ainsi intéressée aux modèles permettant de prédire le risque de ces cocktails pour les espèces aquatiques.
Le principal objectif a été d’évaluer le risque écologique des mélanges de substances chimiques mesurées dans le Léman, mais aussi d’apporter un regard critique sur les méthodologies utilisées, afin de proposer certaines adaptations pour une meilleure estimation du risque.
Dans la première partie de ce travail, le risque des mélanges de pesticides et médicaments pour le Rhône et pour le Léman a été établi en utilisant des approches “généralistes” envisagées notamment dans la législation européenne. Ceci a permis de mettre en évidence les substances les plus problématiques, c’est à dire contribuant le plus à la toxicité du mélange. L’étude met également en évidence que toutes les substances, même en trace infime, contribuent à l’effet du mélange. Cette constatation implique, en terme de gestion de l’environnement, qu’il faut réduire toutes les sources de polluants, et pas seulement les plus problématiques. Cependant ces approches nécessiteraient une adaptation au niveau des facteurs de sécurité employés pour une meilleure appréciation du risque.
Dans une deuxième partie, l’étude s’est portée sur l’utilisation des modèles de mélanges dans le calcul de risque environnemental. En effet, le modèle de mélange ont été développés et validés espèce par espèce, et non pour une évaluation sur l’écosystème en entier. Leur utilisation devrait donc passer par un calcul par espèce, ce qui est rarement fait dû au manque de données écotoxicologiques à disposition. Le but a été donc de comparer, avec des valeurs générées aléatoirement, le calcul de risque effectué selon une méthode proposée, plus rigoureuse, avec celui effectué classiquement. Les résultats ont permis de définir un domaine de validité pour l’approche utilisée traditionnellement et de déterminer certains cas où l’application classique peut conduire à une sous- ou sur-estimation du risque.
Enfin, une dernière partie de cette thèse s’est intéressée à l’influence que les cocktails de micropolluants ont pu avoir sur les communautés in situ. Pour ce faire, une approche en deux temps a été adoptée. Tout d’abord la toxicité de quatorze herbicides détectés dans le Léman a été déterminée. Sur la période étudiée, de 2004 à 2009, cette toxicité due au herbicides a diminué, passant de 4% d’espèces affectées à moins de 1%. Ensuite, la question était de savoir si cette diminution de toxicité avait un impact sur le développement de certaines espèces au sein de la communauté des algues. Pour ce faire, l’utilisation statistique a permis d’isoler d’autres facteurs pouvant avoir une influence sur la flore, comme la température de l’eau ou la présence de phosphates, et ainsi de constater quelles espèces sont révélées avoir été influencées, positivement ou négativement, par la diminution de la toxicité dans le lac au fil du temps. Fait intéressant, une partie d’entre elles avait déjà montré des comportements similaires dans des études en mésocosmes.
En conclusion, ce travail montre qu’il existe des modèles robustes pour prédire le risque des mélanges de micropolluants sur les espèces aquatiques, et qu’ils peuvent être utilisés pour expliquer le rôle de substance dans le fonctionnement des écosystèmes. Toutefois, ce modèle ont bien sûr des limites et des hypothèses sous-jacentes qu’il est important de considérer lors de leur application.