PERMOS

Un réseau d’observation du pergélisol en Suisse

De vastes portions du territoire alpin sont occupées par du pergélisol. La fonte de ces terrains gelés pourrait provoquer une augmentation des instabilités de terrain. Afin d’évaluer la réponse du permafrost face au réchauffement climatique en cours, un projet d’observation à long terme a récemment été mis en place en Suisse.

Qu’est ce que le permafrost ?
Figure 1 : Affleurement de permafrost mis à jour par une excavation dans l'éboulis des Lapires (Val de Nendaz).
Figure 1 : Affleurement de permafrost mis à jour par une excavation dans l’éboulis des Lapires (Val de Nendaz).

Le permafrost, ou pergélisol, est défini comme du matériel de subsurface dont la température est constamment inférieure à 0°C. Dans les Alpes, on le trouve en général au-dessus de 2300 m. On estime que 5 à 6% du territoire suisse est concerné par le pergélisol. C’est plus que les surfaces couvertes par les glaciers. Quand ces conditions froides sont atteintes, l’eau qui s’infiltre dans le terrain peut geler. La glace ainsi formée va alors occuper les fissures des parois rocheuses, ou alors, dans le cas des terrains meubles (éboulis, moraines) se mélanger aux blocs (Fig. 1). Si les quantités de glace présentes dans le sous-sol sont suffisantes, cette glace va se déformer et toute la masse de sédiments gelés va se mettre en mouvement, pour donner ces formes si caractéristiques: les glaciers rocheux (Fig. 2).

Figure 2 : Glacier rocheux avec ses rides arquées qui témoignent du fluage de la masse gelée. Ces déplacements sont de l'ordre de 20 à 50 cm par année (Mont Gelé, Verbier).
Figure 2 : Glacier rocheux avec ses rides arquées qui témoignent du fluage de la masse gelée. Ces déplacements sont de l’ordre de 20 à 50 cm par année (Mont Gelé, Verbier).
Un réseau d’observation du permafrost en Suisse

Le permafrost est sensible aux variations climatiques. Depuis la fin du Petit Age Glaciaire, la hausse des températures provoque une dégradation du permafrost (fonte totale de zones gelées, épaississement du niveau actif). Etant donné les prévisions actuelles concernant le réchauffement climatique, cette dégradation devrait se poursuivre, voir s’accélérer, ce qui pourrait avoir comme conséquence une augmentation des instabilités de terrain (laves torrentielles, chutes de blocs, etc).

Figure 3 : Vue aérienne sur l'éboulis des Lapires, dans la région de Tortin - Mont Gelé. On distingue la route qui a servi à la construction des nouveaux pylônes de la télécabine Tortin - Col de Chassoure en 1998. Des traces de laves torrentielles ainsi que des loupes de solifluxion sont clairement visibles.
Figure 3 : Vue aérienne sur l’éboulis des Lapires, dans la région de Tortin – Mont Gelé. On distingue la route qui a servi à la construction des nouveaux pylônes de la télécabine Tortin – Col de Chassoure en 1998. Des traces de laves torrentielles ainsi que des loupes de solifluxion sont clairement visibles.

Afin d’établir un suivi systématique du permafrost en Suisse, la Commission glaciologique, qui fait partie de l’Académie suisse des sciences naturelles (ASSN), a décidé de lancer le programme PERMOS (PERmafrost MOnitoring in Switzerland). Une phase test d’une durée de 4 ans (2000-2003) est en route. Elle est coordonnée par la Commission glaciologique et cofinancée par l’ASSN, la Direction fédérale des forêts et l’Office fédéral des eaux et de la géologie. Si elle s’avère concluante, cette phase test débouchera sur le suivi à long terme de l’évolution du permafrost en Suisse.

Les études menées dans le cadre de PERMOS sont assurées par les chercheurs de différents instituts universitaires et fédéraux suisses. Une dizaine de sites d’étude sont répartis dans les cantons des Grisons, de Berne et du Valais. L’Institut de géographie et durabilité de l’Université de Lausanne est responsable de deux sites situés dans la région de Verbier-Nendaz: le vallon des Yettes Condjà (Mont Gelé) et l’éboulis des Lapires (Fig. 3).

Méthodes utilisées et premiers résultats

Comme le permafrost n’est pas directement visible, il faut utiliser différentes méthodes pour l’observer et le mesurer. Pour saisir la structure du permafrost (contenu en glace, épaisseur) ainsi que sa répartition, diverses mesures géophysiques sont utilisées (géoélectrique, sismique).

Les mesures thermiques constituent l’autre grand type de mesures couramment effectuées. C’est la méthode retenue pour le projet PERMOS. Lorsque la couche de neige est suffisamment épaisse pour être isolante (1 m. environ), les températures du sol dépendent en grande partie de l’état thermique du sous-sol. Des températures de 0°C indiqueront une absence de permafrost, alors que des températures inférieures à -2/-3°C témoigneront d’une présence probable de permafrost (Fig. 4). Cette méthode, nommée BTS (Bottom temperature of the winter snowcover), s’utilise de deux manières différentes. La première consiste à enfoncer une sonde de température à travers la couche de neige jusqu’au sol; cette méthode permet d’effectuer une grande quantité de mesures sur une journée (Fig. 6). L’autre méthode consiste à placer dans le sol des petits capteurs qui enregistrent durant toute l’année les températures à un intervalle régulier (Fig. 4).

Figure 4 : Deux courbes de températures enregistrées dans l'éboulis des Lapires. Les températures plus froides enregistrées durant le deuxième hiver s'expliquent par un enneigement plus tardif, ce qui a permis au sol de se refroidir fortement en début d'hiver.
Figure 4 : Deux courbes de températures enregistrées dans l’éboulis des Lapires. Les températures plus froides enregistrées durant le deuxième hiver s’expliquent par un enneigement plus tardif, ce qui a permis au sol de se refroidir fortement en début d’hiver.

Plusieurs sites PERMOS sont également équipés de forages à l’intérieur desquels sont placés des capteurs de température à différentes profondeur. Les mesures ainsi effectuées permettent de dresser le profil thermique du sous-sol (Fig. 5).

Figure 5 : Profil de température enregistré dans le forage de l'éboulis des Lapires, à proximité du pylône 10 (cf. Fig. 6). On remarque que l'épaisseur du niveau actif (couche superficielle du permafrost qui dégèle en été) est de 3,6 m environ. Au-dessous, les températures restent toute l'année à 0°C, ce qui témoigne d'un permafrost chaud, situé au point de fusion.
Figure 5 : Profil de température enregistré dans le forage de l’éboulis des Lapires, à proximité du pylône 10 (cf. Fig. 6). On remarque que l’épaisseur du niveau actif (couche superficielle du permafrost qui dégèle en été) est de 3,6 m environ. Au-dessous, les températures restent toute l’année à 0°C, ce qui témoigne d’un permafrost chaud, situé au point de fusion.

Pour prendre l’exemple des Lapires, une centaine de mesures ponctuelles sont répétées annuellement à la même période (mi-mars) et aux mêmes emplacements à l’aide d’un GPS de haute précision (Leica Geosystems) (Fig. 6). Quinze capteurs (mini-loggers UTL-1) répartis dans l’éboulis viennent compléter ces mesures (Fig. 4). Enfin, un forage d’une profondeur de 20 m. est équipé de douze capteurs de température (Fig. 5).

Figure 6 : Distribution des températures du sol dans l'éboulis des Lapires le 11 mars 2003. On remarque la présence de zones froides, interprétées comme du permafrost, qui côtoient des zones beaucoup plus chaudes.
Figure 6 : Distribution des températures du sol dans l’éboulis des Lapires le 11 mars 2003. On remarque la présence de zones froides, interprétées comme du permafrost, qui côtoient des zones beaucoup plus chaudes.
Perspectives

La phase test arrive à son terme à la fin de cette année. Si ses résultats s’avèrent concluants, le projet PERMOS devrait être consolidé et se poursuivre durant les décennies à venir. Le permafrost ayant un temps de réponse aux modifications climatiques beaucoup plus lent que les glaciers, il faudra probablement attendre plusieurs années pour que les mesures effectuées dans le cadre de PERMOS dévoilent des changements notoires dans la distribution du pergélisol et le régime thermique du sous-sol.

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