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Florence Balvay Natz

Enseignante FLE,
Français langue seconde, Berne et
Unil – Cours de vacances

Florence Balvay Natz a eu la gentillesse d’être la première à répondre à nos deux questions :

  • Comment as-tu connu ficellesApprendre ?
  • Comment utilises-tu ficellesApprendre dans ton enseignement ?

Le français comme une partition de musique

La langue est une musique dont la partition n’est pas toujours aisée, voire complexe. Elle a ses propres couleurs et accents donnant le ton à ses forces vives, à savoir son rythme, sa mélodie, son harmonie et sa structure. Travaillant depuis 2003 au sein du Cours de Vacances de l’Université de Lausanne, j’ai pu dès 2008 découvrir la méthode de lecture en couleurs grâce au directeur Yves Erard, initiateur du projet TELL et de ficellesApprendre. Cette façon d’aborder l’enseignement du français langue étrangère permet aux apprenant·e·s d’entrevoir le français comme une partition de musique où la couleur des sons (au sens propre comme au figuré) s’illumine en un ensemble compréhensif et ludique. Fi donc de toute théorie ! Les apprenant·e·s s’initient aux phonèmes du français grâce aux couleurs, une couleur illustrant un son. C’est avant tout la pratique de la langue qui compte, entre observation (j’observe les couleurs), parole (je parle les sons et les mots), gestuelle (je donne un sens à cette parole à travers un mouvement corporel qui va de pair) et créativité (je m’amuse avec ces sons en créant des mots). La structure orale des mots apparaît nettement et les règles qui s’y rattachent sont plus transparentes. Les apprenant·e·s finissent à terme par s’approprier les graphèmes se rattachant à chaque phonème afin de pouvoir à leur tour écrire leurs propres partitions, c’est-à-dire leurs propres textes.

Phonocolor pour concevoir des supports didactiques

Depuis que j’ai découvert cette nouvelle façon d’aborder le français langue étrangère, les couleurs font partie intégrante de mon enseignement, que les apprenant·e·s soient débutant·e·s ou avancé·e·s. Ayant observé chez mon public plurilingue adulte le peu de difficulté à « reproduire » ou à « produire » les sons consonnes du français, j’axe prioritairement le travail sur les sons voyelles. Les couleurs associées aux sons sont placées dans un triangle, véritable espace vocalique où l’apprenant·e est libre de jouer sa partition en mouvement.

Depuis la rentrée 2020, je travaille avec des enfants de 5H dans une école germanophone bernoise, à raison de trois leçons par semaine pour chacune des classes. Leur première année de français n’est pas simple car se pose encore pour beaucoup la difficulté de l’allemand, oral et écrit. Cette première étape en français est théoriquement une année de sensibilisation couvrant une partie du niveau A1 et où les compétences orales doivent primer, l’objectif global étant d’atteindre une bonne partie du niveau A2 à la fin du cursus primaire. Préjugeant, semble-t-il, de la capacité des enfants germanophones à lire l’allemand, les élèves reçoivent chaque année une méthode constituée de 3 magazines d’environ 90 pages chacun. En outre, cette méthode part du principe que le français peut se lire dès lors qu’on le parle, soulignant ainsi la méconnaissance de la langue cible et des moyens pour arriver aux objectifs fixés de la part des concepteurs·trices. J’ai observé des enfants qui arrivent au terme de l’école primaire en produisant des partitions totalement erronées, aussi bien orales qu’écrites, du genre : « Bochur chö m apäl » pour « Bonjour, je m’appelle ». J’ai donc travaillé à une refonte de la méthode afin de mieux guider les enfants dans leur apprentissage en y incluant naturellement les couleurs. Elles sont omniprésentes en classe où les panneaux TELL sont affichés. Le corpus lexical de la méthode est systématiquement mis en couleur. Pour cela, j’utilise Phonocolor qui me permet de concevoir et mettre en page les supports didactiques indispensables. Grâce à cet outil, les enfants peuvent écouter chez eux les sons qui en classe sont parlés et mis en mouvement à travers le triangle, participant également à une mémoire visuelle du son. J’interpelle les enfants sur l’« écriture » de ces sons grâce au corpus de mots ou de phrases déjà travaillés et aussi grâce au jeu des Harmonies avec lequel les enfants ont plaisir à jouer. Je leur pose des devinettes où ils doivent déchiffrer des mots. Les sons voyelles sont exclusivement représentés en couleur, sans aucune graphie. J’observe le plaisir qu’ils ont à « reproduire » les sons le plus correctement possible ou à chercher les mots cachés.

Je commence finalement à constater les fruits que ce travail de longue haleine produit : les enfants créent une musique qui correspond de mieux en mieux à la musique du français. Ils se l’approprient et semble y trouver un plaisir certain.

Florence Balvay Natz