Rose-Anna Foley

Les temporalités des médicaments.
Trajectoires en soins palliatifs à l’hôpital.

Après une licence en sciences sociales à l’UNIL, Rose-Anna Foley obtient en 2012 le titre de docteure en sciences sociales à l’UNIL pour sa thèse conduite sous la direction des professeurs Ilario Rossi et Sylvie Fainzang (CERMES, Paris). Elle est actuellement professeure HES à la Haute Ecole de Santé Vaud (HESAV) et chercheuse au service de soins palliatifs du Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV).

A partir d’un terrain ethnographique réalisé au sein d’une équipe mobile de soins palliatifs à l’hôpital, cette thèse de doctorat porte sur le recours aux médicaments dans le contexte de la fin de vie. Au carrefour d’une socio-anthropologie de la maladie grave, du mourir et des médicaments, elle interroge les rapports à la morphine, ainsi qu’à certains psychotropes et sédatifs utilisés en soins palliatifs. Entre temporalité vécue et temporalité institutionnelle, la manière dont les différents acteurs investissent le temps lorsque celui-ci est compté, est centrale.

Dans une dimension microsociale, les résultats montrent que les médicaments permettent d’agir sur « le temps qui reste » outre qu’ils soulagent les symptômes lorsque la maladie grave bascule en maladie incurable. Les médicaments font l’objet d’usages qui sont détournés de leur but initial (soulagement des symptômes) pour repousser, altérer ou accélérer la mort dans une perspective de maîtrise de la fin de vie. En outre, l’introduction de certains médicaments, et notamment le passage de la chimiothérapie à la morphine, sont des points de repère pour la personne malade dans la trajectoire incertaine de la maladie grave. Ainsi, l’annonce de l’introduction de la morphine allant de pair avec celle de l’entrée en scène d’une équipe mobile de soins palliatifs, sonne souvent comme une véritable sanction.

Dans une perspective mésosociale, ce travail a également considéré que les médicaments sont à la base d’échanges entre groupements professionnels et du processus de professionnalisation des soins palliatifs par rapport à d’autres segments de la médecine actifs dans la gestion de la fin de vie. Dans une médecine caractérisée par l’incertitude, les médicaments en soins palliatifs peuvent être considérés comme des outils de mort. Bien que la discipline palliative se considère comme une médecine humaniste, elle tend à reproduire un certain nombre d’inégalités de traitements à l’approche de la mort, inégalités qui s’accentuent dans le contexte suisse de plus en plus favorable aux pratiques euthanasiques. Ce travail se propose, en définitive, de discuter le temps contraint de la mort dans de telles institutions, entre acharnement et abstention thérapeutique.