Le projet de recherche collective mobilise plus spécifiquement un corpus de livres récemment publiés par exemple en lien avec la protection pénale contre la violence sexuelle faite aux femmes et la lutte contre les inégalités.
L’hypothèse de recherche est que ce type de publications a cristallisé un genre littéraire puissant de nature à favoriser une réorientation de la politique répressive et a fortiori des institutions juridiques dans le sens des représentations contemporaines.
Ce projet est conduit par plusieurs membres du réseau du laboratoire.
Cette recherche a été rendue possible grâce au soutien de la Faculté de droit, des sciences criminelles et d’administration publique (FDCA) de l’Université de Lausanne (Unil).
La puissance instituante de la littérature
Aujourd’hui, la loi pénale semble de plus en plus prise à partie au travers des œuvres littéraires. Durant les trois dernières années, différentes institutions ont en particulier été directement remises en question par des auteures quant à la violence sexuelle, notamment celle faite aux femmes :
- en 2020 est sorti Le Consentement de Vanessa Springora, qui revient sur les abus sexuels dont l’auteure a été la victime lorsqu’elle avait 14 ans et qu’elle était sous l’emprise du romancier Gabriel Matzneff, alors âgé de 50 ans.
- en 2021, Camille Kouchner publie La Familia grande, qui révèle des actes d’inceste au sein de sa famille commis contre son frère par son beau-père, le politiste Olivier Duhamel, abus dont elle a été la victime indirecte puisque témoin sans pouvoir le dire.
- dans son livre Impunité paru en 2022, Hélène Devynck dénonce les agressions dont Patrick Poivre d’Arvor serait l’auteur sur plusieurs dizaines de femmes, dont elle.
Au-delà de l’écho médiatique, ces trois livres ont eu une incidence sur l’application de la loi, respectivement sa révision, dans le cadre des politiques publiques.
Il ressort de ce qui précède que la littérature présenterait bien une puissance instituante susceptible de remettre en question l’ordre juridique établi. Le projet tend ainsi à investiguer cette hypothèse en cherchant notamment à identifier les dispositifs littéraires (contexte éditorial, réception/diffusion, genre, posture, style) les plus mobilisés à cette fin. L’étude sera resserrée sur un des trois livres précités avec un point de vue comparatiste entre la France, la Belgique et la Suisse. En tant que juristes de droit suisse, les chercheurs analyserons aussi la reconduction d’un tel modèle « militant » dans la littérature suisse (M.-Ch. Horn, Le cri du lièvre, 2019 ; M. Burnier, Les orageuses, 2020 ; S. Jollien-Fardel, Sa préférée, 2022) et entreprendront plus largement des recherches sur un corpus suisse (Robert Walser ; Friedrich Dürrenmatt ; Daniel de Roulet) sous l’angle de l’interaction entre droit et littérature, encore non exploité comme tel par la critique.
Le projet mobilise une partie du réseau du Laboratoire Droit & Littérature. Le résultat de cette recherche sera diffusé en premier lieu par le biais d’une publication collective en 2024 ou 2025 dans une revue spécialisée.