Antoine[-Bernard] Borel, °1885 – †1968
Après avoir fait ses classes à l’Ecole normale, Antoine Borel, fils d’un commerçant de Couvet, part comme précepteur en Russie – premiers pas d’une vie vouée à l’enseignement. De retour en Suisse, il obtient un doctorat ès-Lettres à l’Université de Zurich avec une thèse sur Vauvenargues et est engagé comme professeur à l’Ecole normale, puis comme directeur des écoles primaires de Neuchâtel (1918-1925). Vient ensuite le temps de la politique au sein du parti libéral : élu Conseiller d’Etat du Canton de Neuchâtel, il prend – durablement – la direction du département de l’Instruction publique et des cultes (1925-1942). Il intègre la Commission fédérale de maturité (1926) et est nommé Secrétaire de la Conférence suisse des Chefs des départements cantonaux de l’Instruction publique, charge qu’il assurera avec une exceptionnelle longévité… pendant trois décennies (1931-1964).
Défenseur du cinéma
Parallèlement, en mai 1942, à la faveur d’une réorganisation de la Chambre suisse du cinéma, Antoine Borel succède au Président sortant, Albert Masnata. Fidèlement secondé par Hugo Mauerhofer, son lieutenant dès la première heure, il occupe ce poste jusqu’à fin 1956, avant de passer la main à Frédéric Fauquex. Au-delà des diverses missions de représentation que la fonction implique et qui le voient prendre part à de nombreuses conférences, inaugurations et festivals, Borel prend son rôle à cœur dans la mise en place, laborieuse et contestée, d’une certaine forme d’intervention de l’État en matière de cinéma en Suisse. En particulier, il suit de très près la naissance et le développement des Archives cinématographiques suisses à Bâle, puis de la Cinémathèque suisse à Lausanne : intervenant à la fois au nom de la Chambre suisse du cinéma et de la Conférence des Chefs de département de l’instruction publique, il tente inlassablement de rallier le soutien des cantons – qui font longtemps la sourde oreille –, et joue les conciliateurs entre des milieux professionnels hostiles. En reconnaissance de son action, le Comité de la Cinémathèque lui confère le titre de membre-fondateur en juin 1953. Il décède quinze ans plus tard, en 1968, quelques semaines après une autre figure incontournable de cette période fondatrice pour l’institution, Marcel Lavanchy. Le vice-président de la Cinémathèque, Albert Mermoud, salue ainsi leurs apports respectifs : « Au cours des premières étapes très difficiles de l’édification de notre Musée, ces deux personnalités n’ont pas ménagé leur temps ni leurs efforts pour faire reconnaître par les pouvoirs publics l’importance d’une tâche culturelle qui, aujourd’hui, n’est contestée par personne (elle paraît au contraire, indispensable de nos jours !) mais qui, à l’époque, semblait relever de l’utopie ou, au mieux, d’une initiative de dilettantes quelque peu rêveurs. […] M. Antoine Borel, nous fut […] d’une aide précieuse notamment pendant les premières années d’existence de notre Institution. […] Nous exprimons une pensée de reconnaissance émue à ces deux défenseurs efficaces et discrets du septième art en Suisse ».
Associations et commissions
S’il est amené, dans la dernière partie de sa carrière, à s’occuper de cinéma, Antoine Borel n’abandonne pas pour autant les questions éducatives, unissant volontiers les deux domaines dans une action commune. Ainsi, en 1952, il prend part en tant que président de l’Association suisse des offices du film d’enseignement (ASOF/VESU) au Comité du Congrès international du film d’enseignement organisé dans le cadre du Festival du film de Locarno. La même année, il signe un article sur « Le film au service de l’école ». Lorsque se crée à Berne un Fonds suisse du film documentaire, ou Association pour le développement du film documentaire suisse (1953), il figure au Comité de direction.
Autorité respectée, Borel fait l’objet de multiples sollicitations et accumule les titres : Comité directeur de la Société Romande de Radiodiffusion (début des années 1950), Conseil de fondation du Ciné-Journal suisse (1965-1968), Conseil exécutif de l’Unesco / Section de l’éducation (crédité en 1954), mais aussi Président de l’Association cantonale neuchâteloise pour la protection des civils (1957-1967).
Liens familiaux
Cadet de treize enfants, Antoine Borel est l’oncle paternel de Jean Borel. A la mort de son frère Paul-Edouard, Antoine épouse sa belle-sœur, mère de Jean. En secondes noces, il se marie avec Liouba de Couriss, une Russe qu’il a connue lorsqu’il était précepteur dans sa famille.
Alessia Bottani
Remerciements à Aude Joseph.
Sources
CS = Cinémathèque suisse
AVL = Archives de la Ville de Lausanne
-Notice sur le site « Histoire politique et électorale du canton de Neuchâtel », consultée le 21.11.2016.
-Jahrbuch der Schweizer. Filmindustrie – Annuaire de la cinématographie suisse, Genève, Chapalay & Mottier, 1965 (28e année), p. 16 ; 1966, p. 16 ; 1967, p. 16 ; 1968, p. 16 ; 1969, p. 10 [pour le Conseil de Fondation du Ciné-Journal suisse].
-« A la commission fédérale de maturité », L´Impartial, 11.03.1926, p.5.
-« Le Conseil fédéral a réorganisé la Chambre suisse du cinéma », Feuille d’Avis de Neuchâtel, 06.05.1942, p.4.
-« Chambre suisse du cinéma », Feuille d’Avis de Neuchâtel, 26.03.1945, p.4.
-« Commission suisse de télévision. Liste des invités au Château de Chillon », AVL, B3, 250.5.3.5, 08.06.1951 [crédité comme membre du Comité Directeur de la Société Romande de Radiodiffusion].
-Antoine Borel, « Le film au service de l’école », Archiv für das schweizerische Unterrichtswesen, Vol. 38/1952 (1953), pp.1-28.
-« Un Fonds de films documentaires suisses », Journal de Genève, 12.02.1953, p.9.
-Lettre de Marcel Lavanchy et Freddy Buache à Antoine Borel, 03.07.1953, CS, CSL 010_04-05-01 (Fonds Chambre suisse du cinéma), Boîte 10, Dossier CSL 010-05-04, Chemise 5 [nomination comme membre fondateur CS].
-« A la Chambre suisse du cinéma », L´Impartial, 15.01.1954, p.11.
-« La représentation neuchâteloise dans la commission suisse pour l’Unesco », Feuille d’Avis de Neuchâtel, 15.03.1954, p.8.
-« Monsieur Antoine Borel quitte la présidence de la Chambre suisse du cinéma », Journal de Genève, 17.12.1956, p.2.
-« En pays neuchâtelois. Neuchâtel. Association cantonale neuchâteloise pour la protection des civils », L´Impartial, 16.11.1957, p.5.
-« A la conférence des directeurs cantonaux de l’instruction publique », Feuille d’Avis de Neuchâtel, 16.10.1964, p.31.
-« M. Antoine Borel, ancien conseiller d’Etat, se porte bien », L´Impartial, 23.08.1967, p.5.
-« Un nouveau président à la tête de la protection civile », Feuille d’Avis de Neuchâtel, 03.10.1967, p.3.
-« L’ancien Conseiller d’Etat Antoine Borel est décédé samedi matin à Marin », Feuille d’Avis de Neuchâtel, 28.10.1968, p.3.
-« Décès de l’ancien Conseiller d’Etat Antoine Borel », L’Impartial, 28.10.1968, p.22.
-Cinémathèque suisse, Rapport de gestion du 20ème exercice, 13.12.1968, CS, CSL 1.2, Chemise CSL 1 2/2 B1.2.
-Avis mortuaire de Mme Antoine Borel née Liouba de Couriss, Feuille d’Avis de Neuchâtel, 15.09.1976, p.2.
-Roland Cosandey (dir.), Festival internazionale del film Locarno. 40 ans. Chronique et filmographie, Locarno, Festival International du Film Locarno, 1988.
Illustration
Portrait d’Antoine Borel paru, sans mention du photographe, dans Archiv für das schweizerische Unterrichtswesen, « 40 Jahre Konferenz der kantonalen Erziehungsdirektoren », cahier photographique « Die Erziehungsdirektoren der 25 souveränen Kantone der Schweizerischen Eidgenossenschaft », Vol.24/1938. © Tous droits réservés.
Référence
Alessia Bottani, « Portrait d’Antoine Borel », in Frédéric Maire et Maria Tortajada (dir.), site Web La Collaboration UNIL + Cinémathèque suisse, www.unil-cinematheque.ch, novembre 2016.
Droits d’auteur
© Alessia Bottani/Collaboration UNIL + Cinémathèque suisse.