A l’origine de tout film préexiste son plan, sous la forme d’un scénario*, ou plutôt de plusieurs scénarios, depuis le synopsis* jusqu’au découpage technique*, en passant par des étapes élaborant de plus en plus le passage vers l’image animée associée à une bande-son*1. Dans le cas de l’adaptation cinématographique d’un texte littéraire, le scénario se dote d’une dimension supplémentaire, en devenant le lieu où une œuvre déjà là est peu à peu transformée en une œuvre à venir.
Lorsqu’il s’agit d’entrer dans la genèse d’une œuvre – et d’un film en particulier –, l’observation des documents retraçant un tel processus offre un regard inédit sur les aléas de la création, les intentions de départ, les choix opérés, les retours en arrière, autrement dit le dialogue incessant qu’un auteur ou que plusieurs auteurs – un réalisateur, son scénariste, son dialoguiste… – poursui(ven)t de page en page. Dans une perspective pédagogique, c’est là bien entendu un des intérêts de conduire des élèves à visiter l’envers du décor de la création artistique, afin que ceux-ci puissent – sans avoir forcément à mener une analyse très approfondie – prendre conscience des divers mouvements qui président à la naissance d’un texte ou d’un film. Mais, parmi les différents types de documents préparant une œuvre, les scénarios ont pour l’enseignant une valeur didactique supplémentaire.
L’analyse comparative d’un texte et de son adaptation cinématographique est en effet un exercice difficile, dans la mesure où les objets soumis à la comparaison procèdent de systèmes sémiotiques et d’articulations sémantiques très différents – langue et procédés de textualisation d’un côté, association entre images, voix et sons et procédés de « syntaxe » filmique de l’autre. Par ailleurs, si l’école est un lieu où enseignant et élèves sont familiarisés avec la procédure et les outils d’analyse textuelle, il n’en va pas de même pour ce qui touche aux notions qui doivent être mobilisées afin d’étudier une séquence de film (découpage*, montage*, plans*, mouvements de caméra*, etc.). Or, en tant qu’intermédiaire entre un texte et un film, le scénario peut également faire office de médiation didactique dans un tel processus d’analyse. D’une part, il est en lui-même un texte et peut, de ce fait, constituer une étape dans la comparaison qui ne demande pas de « sauter » d’un système sémiotique à un autre (on reste dans la langue) ; cette parenté formelle peut alors rendre simultanément plus saillantes certaines particularités de syntaxe, de « mise en texte », propres à un récit littéraire et à un film (en devenir, sur le papier). D’autre part, les indications techniques que comportent certains documents (et en particulier les découpages techniques*, préparant le tournage de chaque plan) donnent littéralement à voir les procédés formant en grande partie cette « syntaxe » filmique, à travers une typographie délimitant des plans, des indications concernant la place de la caméra ou un mouvement de caméra durant le plan, ou encore une disposition sur deux colonnes distinguant ce qui touche à l’image (décor, jeu des acteurs) et ce qui concerne le son (dialogues, bruitages). De ce fait, le scénario apparaît comme un outil intéressant pour sensibiliser les élèves aux principes guidant tant la réalisation d’un film que son décorticage par l’analyse.
Notes
1. Les mots et expressions suivis d’un astérisque renvoient à des notions pour lesquelles on donne des rappels théoriques dans la section « Glossaire ».?