La pratique de l’adaptation cinématographique de textes littéraires est presque aussi vieille que le cinéma lui-même (pensons par exemple aux passions diffusées sur les écrans de cinéma et adaptées des Evangiles). Parmi les diverses raisons motivant cette pratique, on peut mentionner par exemple le fait que nombre de récits d’aventures sont en eux-mêmes dotés d’une dimension spectaculaire qui est presque un appel à une mise en images. Par ailleurs, au fur et à mesure que le cinéma « s’industrialise », l’adaptation rencontre le désir (des réalisateurs et des producteurs) d’assurer une certaine audience au film, dès lors que l’on adapte un roman ou une nouvelle qui a déjà connu un succès en librairie. Enfin, parce qu’il touche toutes les classes sociales, le cinéma est, au fil du XXe siècle, de plus en plus perçu comme un véhicule de culture ; l’adaptation de « classiques » de la littérature prend alors part à une entreprise de mise en valeur d’un patrimoine culturel et national.
Suivant de tels principes, l’adaptation se doit ainsi d’être « fidèle » à l’œuvre qui est à son origine, car elle court sinon le risque de ne pas respecter les divers « pactes » qui la lient au public (désir de retrouver ce que l’on a aimé dans un livre, désir d’accéder à un objet de patrimoine). Toutefois, une adaptation est également une « déformation », et cela par son essence même. D’une part, il faut considérer que toute « reprise » d’une œuvre (même sans changer de médium, comme c’est le cas de différentes mises en scène d’une pièce au théâtre) est une interprétation de celle-ci, une lecture propre à l’instance adaptatrice – réalisateur, scénariste, producteur, etc. –, qui s’empare d’un matériau afin non pas de restituer la parole de l’auteur originel (ce qui est impossible), mais d’imposer une parole nouvelle, autrement dit un sens nouveau. D’autre part, le changement de médium – du texte à l’image en mouvement associée au son – impose son lot de transformations, dans la mesure où le récit se déploie dans un cadre et dans l’autre en fonction de dispositifs différents, de contraintes et de possibilités caractéristiques de l’art verbal et de l’art cinématographique.
Ce sont ces sources de « déformation » – et principalement la seconde – que les séquences didactiques esquissées ici se proposent notamment d’interroger, autour de l’étude contrastive d’épisodes du Rouge et le noir, ceci afin de donner des pistes de réflexion permettant de saisir certaines particularités de chaque dispositif.